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transgressives sont irrésistibles. Vous les écoutez, votre cœur se met à battre un peu plus vite et vous en redemandez.""Le concept de The Apprentice repose sur une d’arnaque"Donald Trump crève l’écran. Mais travailler avec lui n’est pas une sinécure. "Comme il ne suivait pas le déroulé du jeu au jour le jour, le magnat de l’immobilier arrivait régulièrement peu préparé pour la séquence finale", rembobine celui qui est aussi l’une des plumes du prestigieux New Yorker. "Sans trop savoir quel candidat avait tiré son épingle du jeu, il devait prononcer la fameuse phrase : 'Tu es viré'. Parfois, un postulant se distinguait pendant les épreuves, ce qui n’empêchait pas Trump de le renvoyer sur un coup de tête." Dans ces cas-là, les monteurs étaient obligés de "rétroconcevoir" l’épisode, passant en revue des centaines d’heures de rushs pour mettre en avant les rares moments où le candidat avait pu commettre une gaffe. "Ce genre de tour de passe-passe est habituel dans l’industrie de la téléréalité. Toutefois, le concept de The Apprentice reposait sur une sorte d’arnaque."Mark Burnett – également producteur de The Voice – avait initialement prévu de changer de présentateur chaque année, mais il décide de fidéliser Trump. Pendant les dix saisons suivantes, il est l’unique vedette de The Apprentice. Burnett et Trump s’associent à 50-50 et multiplient les placements de produits dans l’émission, ce qui leur rapporte des millions de dollars. Trump en profite aussi pour promouvoir ses propriétés, l’une après l’autre. L’émission est tournée dans l’un de ses appartements de la Trump Tower, qu’il loue à la production. Les candidats organisent des événements au Trump National Golf Club, où ils vendent l’eau en bouteille Trump Ice. Et l’équipe gagnante de la saison 1 remporte le droit de séjourner et de jouer au casino Trump Taj Mahal d’Atlantic City, suivie par des caméras (l’établissement, en faillite, a définitivement fermé ses portes peu après).Saison après saison, l’image de Donald Trump évolue et s’installe dans l’imaginaire des Américains. Les cadreurs de l’émission filment leur vedette en contre-plongée, façon Leni Riefenstahl. "Trump dominait le téléspectateur", lit-on dans Voleurs ! Bandits ! Escrocs ! Ses apparitions étaient chorégraphiées pour un effet maximal, sur fond de musique sombre, à base de batterie et de cymbales électroniques. La "salle du conseil" – le décor dans lequel Trump décidait quel candidat renvoyer – baignait dans le clair-obscur menaçant d’un remake du Parrain. Et l’on voyait Trump faire visiter aux participants son appartement rococo au sommet de la Trump Tower en déclarant : "Je montre cet endroit à très peu de gens. Des présidents, des rois…" Dans le petit monde des tabloïds où il avait longtemps évolué, Trump avait toujours été "Donald". Grâce à The Apprentice, il est enfin devenu M. Trump.
Voleurs ! Escrocs ! Bandits ! de Patrick Radden Keefe (éd. Belfond)"Il incarne l’idée que les pauvres se font des riches", dira l’essayiste Fran Lebowitz. Le financier Jonathan Braun, qui a participé à la saison 1 de l’émission, ajoutera pour sa part : "L’Amérique moyenne a vu toutes ces choses clinquantes, l’hélicoptère et les éviers plaqués or, et elle a vu la personne la plus riche de l’univers. Les gens que je connaissais dans la haute finance ont compris que c’était une vaste plaisanterie." Grace à The Apprentice, la notoriété de Donald Trump – jusque-là cantonnée à New York – atteint en tout cas tous les foyers jusqu’au fin fond du Nebraska. Auprès de Monsieur Tout-le-Monde, il passe désormais pour le "roi de Manhattan" alors qu’il est loin, très loin, d’être un acteur majeur du marché immobilier new-yorkais. Conclusion de Radden Reefe : "En définitive, sa carrière politique repose sur deux 'fakes' : L’Art du deal, le best-seller de 1982 qu’il n’a pas écrit et où il se fait passer pour un businessman hors pair, et The Apprentice, ce programme bidon qui lui a permis de se faire connaître de tous. Sans cette émission, Trump ne serait jamais devenu président.""Un bonimenteur de foire.."En 2015, Trump arrête The Apprentice pour se lancer en politique. La suite est connue. Après Trump 1 à la Maison-Blanche, voici la saison 2 qui démarre le 20 janvier. "Son second mandat sera comme The Celebrity Apprentice, cette version people de The Apprentice. A partir de 2008, cette variante du programme initial mettait en scène des célébrités de seconde catégorie", sourit Radden Reefe. Anisi, Robert F. Kennedy Jr (https://www.lexpress.fr/sciences-sante/sante/kennedy-jr-a-la-sante-du-catastrophique-du-tres-inquietant-et-quelques-idees-interessantes-PQCCJUCLDZBODECUCPTGFRMLB4/)(nommé à la Santé) et l’ancien présentateur de Fox News Pete Hegseth (https://www.lexpress.fr/monde/amerique/pete-hegseth-le-protege-de-donald-trump-plombe-par-des-scandales-C7LYUH42NNG5VFTACNGMTMD6ZY/) (nommé au Pentagone) seront les célébrités de la présidence à venir.Quant au discret Britannique Mark Burnett, aujourd’hui un fervent chrétien, il vient d’être nommé émissaire du président au Royaume-Uni. Un poste dont les contours restent flous. A New York, Patrick Radden Reefe soupire : "Il restera surtout dans les annales pour avoir offert à un bonimenteur de foire sans cesse en faillite le rôle d’un homme qui avait le potentiel pour devenir le leader du monde libre."
Un disparu nommĂ© RaphaĂ«l Glucksmann : ses amitiĂ©s renouĂ©es, ses hĂ©sitations pour 2027…
https://www.lexpress.fr/politique/un-disparu-nomme-raphael-glucksmann-ses-amities-renouees-ses-hesitations-pour-2027-ZTNL5UWUSBHXJF6VO56PBJ4NCU/

Pourquoi sourit-il autant ? Voilà pourtant vingt minutes que Raphaël Glucksmann (https://www.lexpress.fr/politique/victoire-de-trump-ukraine-democraties-europeennes-le-cri-de-colere-de-raphael-glucksmann-NNFYQATPXJBBHLBDQRYAHRN2NA/) plombe l’ambiance. "Il va y avoir la guerre en Europe d’ici à 2029", dit-il les yeux écarquillés, paraphrasant les paroles du ministre de la Défense allemand. Ce constat, il le répète à qui veut l’entendre dans ce café de la place Saint-Georges, à deux pas de chez lui. Au jeune serveur qui lui apporte son thé au miel, par exemple. Donald Trump et les menaces d’annexion du Groenland, Elon Musk et sa mission de déstabilisation des démocraties européennes… A-t-il seulement convaincu ? "Ça ne nous regarde pas", balaie timidement son interlocuteur. "Oh si, ça va vite nous regarder !", ironise-t-il. Raté pour cette fois. Le 20 janvier, il suivra le mouvement et quittera définitivement la plateforme X. "Néron est au pouvoir aux US", reprend-il. "Néron", assure-t-il - mi-fier, mi-grave - il l’a rencontré le 10 mars 2011, lorsqu’il était conseiller spécial du président géorgien, Mikheil Saakachvili. A l’époque, Donald Trump lui avait confié ses ambitions futures. "Avec quel programme ?", avait demandé Glucksmann. "Very simple : because I am the best." Sur le coup, il l’avait méprisé. Dans le fond, l’anecdote le fait un peu marrer. "Parce que c’est un camusien qui oppose la joie à l’absurde du monde !", s’enflamme Saïd Benmouffok, le coordinateur Place publique de Paris. Il faut donc imaginer Sisyphe heureux…"Chaque fois que c’est compliqué, il disparaît"Raphaël Glucksmann a un problème : l’ambition le chatouille… Mais il exècre la façon dont est pratiquée la politique aujourd’hui. Notamment cette injonction faite aux personnalités de tous bords à "commenter tout, tout le temps, tous les jours", convertis à la longue en "employés gratuits dans les chaînes d’information en continu", voire en "chamanes de Pierre Clastres", ces figures indigènes, analysées à la fin du XXe siècle par le sociologue, inaudibles pour le commun des mortels. Avis aux mauvaises langues - dont L’Express - qui le pensaient un tantinet disparu (a minima en retrait) durant ces dernières tractations matignonesques : "S’il n’y a pas de plus-value à ma parole, je ne parle pas", assène celui qui assure "refuser toutes les invitations". Un chef de parti de gauche, plus cruel : "Chaque fois que c’est compliqué, il disparaît."Le reproche lui colle à la peau ? Il avait déjà fait le coup après les dernières législatives. Après que la dissolution a balayé son score honorable aux élections européennes (la table du café en prend un sacré coup quand il se remémore la scène), et après avoir soutenu dans la douleur le Nouveau Front populaire - rompant avec Olivier Faure, patron du PS - il avait disparu de la scène publique, parti passer quelques jours en Corse, puis profiter à pleins tubes des Jeux olympiques au Club France. Jusqu’à sa réapparition, fin août, distribuant quelques taquets à bâbord dans une interview au Point - l’initiative avait fait jaser à gauche. En privé quand il refait l’histoire, il s’estime pris dans la contradiction de sa propre doctrine. "Cet été, j’ai essayé de ne pas faire de tweet pendant deux mois. Les gens me disaient “t'as pas réagi à ça, tu t’en fous ?” J’ai alors saisi le cercle vicieux."Qu’à cela ne tienne. A Noël, après avoir déploré qu’Emmanuel Macron ait ignoré la gauche et plaidé pour un accord de non-censure, il est parti se ressourcer une semaine dans le sud de la France. Le fan de l’AS Roma a pas mal joué au foot avec ses enfants, coupé X et lu quelques bouquins, dont Les Ingénieurs du chaos, le remuant best-seller de Giuliano da Empoli, qui trônait sur sa pile de livres. Sans doute
la lecture n’a-t-elle fait que renforcer son constat : "J’ai l’impression que la classe politique française n’est pas du tout au niveau d’alerte, regrette-t-il. Ma plus-value, c’est d’expliquer que la crise politique intérieure est d’autant plus grave qu’une tempête géopolitique se profile.""Je serai un leader du camp démocrate face aux tempêtes à venir"Avec quels moyens ? "Glucksmann n’est pas dans le jeu parlementaire, or toute la politique du pays se passe à l’Assemblée, souffle un cacique socialiste. Il est loin du ballon, en tribune, coincé dans un dilemme : se taire, ou parler avec une faible valeur." Surplomb forcé ? A l’impossible nul n’est tenu, surtout lorsque l’on ne dispose que d’un seul parlementaire national, Aurélien Rousseau. Mais les ministres sont parfois formidables. Le ministre de l’Economie Eric Lombard (https://www.lexpress.fr/economie/la-methode-gagnante-deric-lombard-le-nouveau-patron-de-bercy-pour-reussir-il-lui-faudra-GIS5S5TK5NCYHPIERJ6BBYDGEI/), par exemple, qui connaît bien Rousseau puisque ce dernier a failli le rejoindre à la Caisse des dépôts et consignations, fait parfois savoir qu’il apprécie Glucksmann, qu’il a connu peu avant de prendre ses fonctions ministérielles. Il les conviera lundi à Bercy (https://www.lexpress.fr/politique/budget-les-discussions-se-poursuivent-avec-la-gauche-qui-se-divise-6OSLUB63KJBOFEV2TYCM6RWUEM/), dans le cadre des consultations liées au budget - une première pour le parti. Place publique défendra les dépenses de santé, s’opposera aux suppressions de postes dans l’éducation, et appellera à "revoir en profondeur" la réforme des retraites, tant sur son financement que sur l’âge de départ. Rien que ça."Allô Yannick ?" Fin novembre, le numéro de Raphaël Glucksmann s’affiche sur le smartphone de Jadot. Le premier a invité l’écolo à sa rentrée politique à La Réole, tous les deux ont bénéficié du même électorat aux européennes, et du même succès. Alors l’ancien essayiste réfléchit, tâtonne… Rêvons grand : Place publique pour diriger Paris grâce à la candidature du sénateur ? L’intéressé fait la moue, toujours pas décidé à passer la première dans la course à l’Hôtel de ville. L’idée semble, en revanche, plaire à Anne Hidalgo. Du côté de Place publique, certains démentent, d’autres assurent que l’option n’a pas été écartée.Maigre voix au chapitre, grandes aspirations. Benmouffok vient de récupérer les clés du nouveau QG de Place publique, un 100 mètres carrés en fond d’immeuble de la Rue Richer, dans le IXe arrondissement de Paris. Fini, les séances de bachotage en visio ou dans des cafés, alors que près de "200 personnes", dixit Glucksmann, hauts fonctionnaires et autres chefs d’agence, travaillent bénévolement (le parti n’a pas de salariés) sur un programme de "15 axes et 47 sous-axes", dont il promet d’accoucher au mois de juin de cette année. Parfois, il "crash-teste" quelques-unes de ses mesures avec des grands patrons, car "la social-démocratie qu’il veut réinventer n’est pas l’éloge de la modération". Pour quoi faire ? Pour ne pas être pris de court en cas de nouvelle dissolution, bien sûr. "Je serai une vigie démocratique, un leader du camp démocrate face aux tempêtes qui arrivent", tout simplement. Et pour 2027 ? "Celui qui oriente sa vie selon cette échéance n’a pas très bien compris le moment que l’on est en train de vivre." Son entourage traduit les hésitations : "Soit il y a un espace large, le PS se libère de Mélenchon, et on tente quelque chose car seul Raphaël peut le faire. Soit c’est vicié de l’intérieur, Mélenchon met une pression telle que les socialistes se rangent derrière lui et ça devient compliqué pour nous.""Le 1er mai, il s’est passé quelque chose dans sa tête"Raphaël Glucksmann, pour l’heure, travaille et structure sa mouture, tel est le message qu’il faut faire passer. Le nombre d’adhérents de son mouvement, fondé fin 2018, a bondi de 1 500 à près de 11 000. "Le parti est au défi d’une crise de croissance", souffle un ami de l’essayiste,
alors qu’un congrès doit avoir lieu prochainement pour adapter la structure à cette nouvelle dimension. Patron d’un "mouvement de masse" - à quelques militants près -, tout un travail ! A bas bruit, quelques historiques de son parti l’estiment "trop peu unitaire" par rapport à la promesse initiale. "Le parti a changé depuis ces élections européennes, alors que je m’étais engagée dès le départ sur une idée d’union des gauches, dit Anaïta David, référente jeune qui en a claqué la porte. Certains militants qui sont restés placent de l’espoir dans ce congrès".En privé, Olivier Faure aussi estime qu’il en fait un peu trop avec Jean-Luc Mélenchon. "Le 1er mai, il s’est passé quelque chose dans sa tête et il n’en est jamais revenu totalement", confie-t-il aux siens, en référence au jour où Glucksmann a été évincé d’une manifestation par des militants communistes qu’il avait pris pour des insoumis. Récemment, l’essayiste a vu son bras droit, Pierre Natnaël Bussière, son spin-doctor des européennes et fidèle de la première heure, prendre du champ pour des raisons personnelles. Mais également parce que les négociations du NFP ont, chez lui, "blessé un idéal". De ce dernier, il réutilise régulièrement la formule pour illustrer son positionnement politique : "Ni Jupiter, ni Robespierre".Bonjour Léa Salamé, c’est Gilles Legendre. Durant l’été, l’ancien patron des macronistes à l’Assemblée, voisin de vacances de Raphaël Glucksmann, convie le couple et l’ancien conseiller d’Emmanuel Macron Philippe Grangeon, accompagné de son épouse, pour rompre le pain à Saint-Florent. L’ex-député Renaissance est ressorti "admiratif" de cette rencontre. Ainsi Glucksmann, qui revendique son dialogue avec le centre, cultive ses réseaux en Macronie déchue, et échange régulièrement avec Clément Beaune. Ce même été, Olivier Faure, dans une de leurs dernières conversations, l’avait prévenu : "Raphaël, tu ne peux pas être le candidat de l’aile droite de la gauche." Les opposants au premier secrétaire du PS, eux, continuent de mettre en scène leur complicité avec Glucksmann. Sans oublier de l’observer. Le 18 novembre dernier, François Hollande l’a discrètement reçu à son bureau, rue de Rivoli : ensemble, ils ont discuté de l’avenir de la social-démocratie, et de la façon dont "organiser cette fraction du paysage politique" - certains espèrent opérer un rapprochement entre Place publique et le Parti socialiste. L’intéressé n’avait pas l’air très allant. Quelques mois plus tard, Raphaël Glucksmann salue les "bougés" de la direction socialiste, qui a affirmé ses distances avec Jean-Luc Mélenchon. "On est maintenant sur une même ligne politique", se réjouit-il à propos du PS. Olivier Faure et son ancienne tête de liste ont logiquement renoué. Alors, avec les roses, "tout est sur la table, à condition qu’il y ait une ligne politique claire", insiste-t-il.Au soir de la censure de Michel Barnier (https://www.lexpress.fr/politique/michel-barnier-ce-que-le-premier-ministre-a-en-tete-au-dela-du-budget-2THSTYBCYJBQBI6DM6P3XOQDNE/), certains ex-macronistes soufflaient son nom pour remplacer le futur ex-Premier ministre. Il n’en faut pas davantage pour que d’autres le disent instrumentalisé. Raphaël Glucksmann, lui, se cherche encore.
"Economiser 12 000 milliards grâce au renouvelable, c’est possible !" : les calculs fous de Doyne J. Farmer
https://www.lexpress.fr/idees-et-debats/economiser-12-000-milliards-grace-au-renouvelable-cest-possible-les-calculs-fous-de-doyne-j-farmer-SKBYC5MOLZHFDKJHYNGIEKQ2GA/

C’est l’histoire d’un jeune garçon de Silver City (Nouveau-Mexique) qui, du haut de ses vingt-quatre ans, réussit à déjouer le hasard des casinos de Las Vegas avant de passer dix années au laboratoire du physicien Robert Oppenheimer (https://www.lexpress.fr/sciences-sante/oppenheimer-vu-par-deux-specialistes-le-film-minimise-le-danger-des-armes-nucleaires-UQAJ6IQFFZG7VMKQYUE2MJP5PE/)à Los Alamos, de s’imposer à Wall Street, et qui s’apprête aujourd’hui à révolutionner l’économie. Cette histoire, au croisement de The Social Network et Un homme d’exception, n’a rien d’un film (mais pourrait bien inspirer les grands d’Hollywood). C’est celle de Doyne J. Farmer, aujourd’hui professeur en science des systèmes complexes de la prestigieuse université d’Oxford, qui publie Making Sense of Chaos, un ouvrage (non-traduit) classé par le Financial Times parmi les meilleurs nouveaux livres économiques en 2024. La vision de l’auteur, dont le magazine britannique prédit qu’elle "sera sans aucun doute déterminante pour l’évolution de l’économie", est la suivante : la théorie économique traditionnelle, dont les prédictions reposent sur certains piliers telle la rationalité des individus, serait aujourd’hui trop limitée pour répondre aux enjeux que pose notre époque. Difficulté que l’économie de la complexité - un champ d’étude reposant sur un mélange de jugement humain, de données très précises et de puissance informatique - dont Farmer est spécialiste, serait en mesure de contourner.L’histoire de cette conviction mérite d’être racontée par le début : dans le rouge saturé d’une salle de jeux de Las Vegas, en 1976. Là où Farmer a réalisé avec un groupe d’amis son premier fait d’armes, à savoir battre le très aléatoire jeu de la roulette à l’aide d’un micro-ordinateur portable mis au point par leurs soins (un exploit en soi) dissimulé dans une chaussure. "Cette expérience a véritablement forgé ma vision de l’économie sur le plan métaphorique : la qualité d’une prédiction dépend de la précision des informations recueillies pour y parvenir, raconte-t-il à L’Express. […] Mais entre nous, les sociétés de trading sont de bien meilleurs casinos. Vous ne risquez pas de vous faire jeter dehors si vous gagnez trop (rires)." L’incise n’est pas choisie au hasard : avec la Prediction Company, qu’il a cofondée avec son ami d’enfance Norman Packard en 1991, Doyne Farmer a réalisé des gains hors normes grâce aux principes de… l’économie de la complexité ! La même qui l’a conduit à réaliser en 2020 la prédiction la plus précise réalisée concernant l’impact de la pandémie de Covid-19 sur le PIB britannique, devant celle de la banque d’Angleterre.Cinq ans plus tard, Doyne Farmer livre une réflexion décapante sur les lacunes de l’économie traditionnelle (https://www.lexpress.fr/economie/politique-economique/finances-publiques-les-economistes-nous-ont-ils-menti-LBYSMDMHWNEFDJIVKLENQMJQQE/), mais surtout les bénéfices que pourrait réaliser sa discipline dans de nombreux domaines. Auprès de L’Express, ce spécialiste remonte le temps pour expliquer comment, grâce à sa matière, nous aurions pu "voir venir la bulle immobilière" responsable de la crise des subprimes de 2008. Doyne Farmer revient également sur l’une de ses prédictions les plus surprenantes, qui concerne la lutte contre le changement climatique. Et qui pourrait nous faire économiser beaucoup d’argent. Entretien.L’Express : Au début de votre ouvrage, vous revenez sur une expérience qui a eu un impact majeur sur votre trajectoire vers l’économie de la complexité. Encore étudiant, vous avez réussi à battre le hasard du jeu de la roulette d’un casino avec un groupe d’amis. Ce qui vous a d’ailleurs valu une mention dans le documentaire
Breaking Vegas (2004, History Channel), mais aussi au sein du prestigieux Heinz Nixdorf Museums Forum. Quel était le rapport avec l’économie de la complexité ?Doyne J. Farmer : En fait, c’était purement de la physique, car il s’agissait de calculer la vitesse de la balle et du rotor pour en déduire la position d’arrivée la plus probable de la balle. À l’époque, nous avions mis au point ce qui s’est avéré être le premier ordinateur portable, dissimulé dans une première version sous une aisselle, puis dans une chaussure. Nous savions qu’il s’écoulait en moyenne 15 secondes entre le moment où le croupier jetait la balle sur la roue et celui où il fermait les paris. Une première personne, souvent moi, était chargée d’envoyer des signaux au bon moment à l’ordinateur en appuyant sur des interrupteurs à l’aide de mon gros orteil pour que la machine puisse ensuite résoudre l’équation. Puis une deuxième personne, à qui le résultat obtenu par la machine était ensuite transmis, plaçait les paris. De la physique, donc, mais cette expérience a véritablement forgé ma vision de l’économie sur le plan métaphorique : la qualité d’une prédiction dépend de la précision des informations recueillies pour y parvenir. Nous avons toujours battu la maison. Mais entre nous, les sociétés de trading sont de bien meilleurs casinos. Vous ne risquez pas de vous faire jeter dehors si vous gagnez trop (rires). C’est pourquoi, quelques années plus tard, j’ai créé avec mon ami d’enfance Norman Packard la Prediction Company, avec laquelle nous avons fait du trading pour des banques pendant plus de dix ans en nous fondant sur les principes de l’économie de la complexité [NDLR : l’entreprise a été revendue à la banque suisse UBS pour 100 millions de dollars en 2005].Selon vous, la science économique dans son ensemble aurait besoin d’une mise à jour radicale basée sur l’économie de la complexité. Pourquoi cela ?Je ne prétends pas qu’il faille complètement se débarrasser de l’économie traditionnelle telle que nous la connaissons. Mais je soutiens qu’au vu des défis que pose notre époque, ses capacités sont restreintes. De fait, lors de grandes crises telle celle des subprimes de 2008 ou la pandémie de Covid-19, nos modèles économiques classiques ont souvent échoué à donner des orientations efficaces aux politiciens. Non pas parce que les économistes sont particulièrement mauvais, mais parce que le modèle standard sur lequel reposent toutes nos théories économiques est limité.Je m’explique : la théorie économique standard repose sur trois piliers, la maximisation de l’utilité, l’équilibre, et la rationalité des individus. En bref, les économistes partent du principe que chaque individu a des préférences – ce que l’on appelle l’utilité – et que, sur la base de ces préférences, il va faire des choix selon la logique du "plus, c’est mieux". C’est la maximisation de l’utilité. Par exemple, les ménages aiment consommer le plus possible. Les entreprises, quant à elles, veulent faire le plus de bénéfices possibles. Quel que soit le cas de figure, la théorie économique suppose que les individus prendront les meilleures décisions possibles pour maximiser leur utilité – que ce soit en termes de consommation ou de profits. Enfin, dernière assomption, une décision ou transaction ne pourrait avoir lieu que lorsqu’il y a équilibre, c’est-à-dire que l’offre est égale à la demande.Le problème de cette approche est que la réalité est souvent beaucoup plus compliquée. Par exemple, tout le monde ne prend pas toujours la décision la plus rationnelle. Même s’il est bien connu qu’un long trajet pour aller au travail rend malheureux et que l’argent ne fait pas forcément le bonheur, nous sommes nombreux à choisir de prendre un emploi loin de notre domicile car nous estimons que nous serons mieux payés et donc plus heureux. Les gens prennent donc souvent des décisions qui vont à l’encontre de la rationalité. L’économie de la complexité, justement, permet de prendre en compte ce type de
situation. A la différence de la théorie classique, nous cherchons à comprendre comment les gens prennent vraiment leurs décisions dans le monde réel, en tenant compte d’un maximum de paramètres susceptibles de peser dans la balance pour anticiper les effets de ces choix.Mais comment déterminez-vous les paramètres à prendre en compte ? On imagine une infinité de possibilités…Forcément, cela requiert une certaine part de jugement, mais aussi la puissance des ordinateurs, car il faut intégrer de nombreux paramètres. Il s’agit de sélectionner et compiler des données empiriques qui vont nous permettre de déterminer avec précision comment les individus interagissent et comment ils prennent leurs décisions. Sans présumer, j’insiste, qu’ils feront forcément le meilleur choix possible pour y parvenir. Pour cela, nous allons parler à ceux qui seront amenés à prendre ces décisions – par exemple, un certain type de ménages - mais aussi interroger des psychologues pour comprendre l’impact de tel ou tel environnement sur le choix des individus, ou encore collecter des données démographiques auprès des organismes compétents pour tenir compte du niveau de richesse, de l’âge, de la géographie… Une fois toutes ces informations agrégées au sein d’un programme informatique, nous allons procéder à des simulations pour voir comment les "agents" que nous étudions pourraient réagir à tel ou tel événement. Et le programme tourne, encore et encore, comme une boucle. Les agents prennent des décisions, celles-ci ont un impact sur l’économie, laquelle peut donc générer de nouvelles informations, et ainsi de suite. Comme vous le voyez, cette approche est beaucoup plus souple et adaptée à la réalité que la théorie traditionnelle.En 2008, les économistes ont été contraints de simplifier la réalité pour résoudre leurs équationsDans votre ouvrage, vous donnez à voir les progrès que pourrait accomplir l’économie avec cette méthode en faisant l’analogie avec les prévisions météorologiques…Oui, car l’évolution des prévisions en la matière est tout simplement fascinante ! Jusqu’en 1980, celles-ci étaient établies en étudiant des situations météorologiques passées similaires à ce qui était observé dans le présent, avec une grande part de subjectivité et l’application de quelques règles empiriques. Le problème, là aussi, n’était pas que les prévisionnistes étaient mauvais. Mais que leur méthode était intrinsèquement limitée. Puis John Von Neumann, le père des ordinateurs, a mis au point un modèle de prévision numérique, dont la pertinence dépendait de la puissance informatique, de la précision et de la granularité des mesures météorologiques incorporées dans les simulations. En somme, la plus-value de son modèle tenait au fait qu’il partait d’informations détaillées pour en déduire une tendance globale. Ce n’était pas le cas jusqu’alors.Pour faire des prévisions économiques pertinentes, nous devons faire quelque chose de similaire. De la même façon que les météorologues prennent aujourd’hui en compte un grand nombre de mesures différentes pour déterminer le temps qu’il fait dans les Rocheuses américaines ou dans les Alpes, les économistes doivent commencer par prendre des mesures économiques approfondies et granulaires pour faire des prévisions réalistes.Mais je fais aussi cette analogie pour une deuxième raison : il a fallu plus de trente ans pour que la méthode de Von Neumann ne modifie drastiquement la qualité des prévisions météo. Mais lorsqu’elle s’est imposée, elle a tout changé car celle-ci nous donne une meilleure capacité de planification, ce qui présente d’énormes avantages économiques pour l’aviation, le transport maritime, la gestion des ouragans et bien d’autres activités humaines. Aujourd’hui, il existe même une sorte de "loi de Moore" pour les prévisions météorologiques qui dit que tous les dix ans, les prévisions météorologiques pour un nombre donné de jours deviennent aussi bonnes qu’il y a dix ans pour un jour de moins. C’est-à-dire que les
prévisions à cinq jours sont aujourd’hui aussi bonnes que les prévisions à quatre jours d’il y a dix ans. Pour que l’économie de la complexité devienne la référence, je ne pense pas qu’il faudra 30 ans, mais probablement 5 à 10 ans. Mais il y a urgence, car les crises qui affectent le monde sont de plus en plus complexes. Il faut donc y répondre avec une méthode prenant en compte cette complexité.Un exemple de crise complexe est celle des subprimes de 2008. A l’époque, même les modèles macroéconomiques les plus sophistiqués des banques centrales avaient échoué à l’anticiper. A ce jour, de nombreux économistes débattent d’ailleurs encore de ses causes. Mais selon vous, l’économie de la complexité aurait pu permettre d’y voir plus clair…En effet. En 2008, la situation était d’une telle complexité qu’elle demandait de prendre en compte de nombreux facteurs. Ce qu’un modèle classique ne peut pas faire. A l’époque, les économistes ont donc été contraints de simplifier la réalité pour résoudre leurs équations. C’est pourquoi, comme me l’a raconté Simon Potter, l’ancien directeur de la recherche économique à la Fed de New York, lorsque la Fed a tenté de vérifier ce qui se produirait en cas de chute de 20 % des prix de l’immobilier, ses modèles ont conclu que cela ne représenterait pas grand-chose… Et puis la crise est arrivée et la bulle immobilière a éclaté. Dans mon livre, je cite l’ex-président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, qui, à l’époque, avait admis s’être senti "abandonné par les outils [économiques] traditionnels". Je pense qu’il avait raison. En fait, hormis quelques voix dans le désert, personne ou presque n’avait anticipé la possibilité que les propriétaires et les entreprises fassent défaut sur les emprunts qu’ils avaient contractés.J’en arrive donc à l’économie de la complexité. Peu après la crise financière de 2008, mon équipe a construit un modèle du marché immobilier de Washington reposant sur la simulation de l’achat et de la vente de maisons, que les agents immobiliers et les banques aient décidé d’accorder ou non des prêts aux ménages. Nous avons intégré une série d’informations détaillées provenant des autorités fiscales et du recensement américain, sur les transactions, les prêts, le type de maison - luxueuse ou non – les ménages, etc. Cela nous a permis d’effectuer des simulations basées sur différents scénarios. Lorsque la politique de remboursement de prêt était trop laxiste, nous obtenions la formation d’une bulle financière. Mais quand celle-ci était plus stricte, nous évitions la crise. Alors oui, on aurait pu voir venir la bulle immobilière.Quelques personnes ont tout de même perçu les dangers d’un éventuel effondrement du marché immobilier…Oui, mais personne n’a vu la crise financière mondiale qu’il provoquerait. Le problème était que les institutions financières du monde entier détenaient toutes des titres adossés à des créances hypothécaires américaines, qui étaient considérés comme un investissement sûr et rentable. Lorsque le marché immobilier s’est effondré, la valeur des titres adossés à des créances hypothécaires a chuté, ce qui a mis à mal les bilans de toutes les grandes banques et a eu pour effet de tarir les prêts et de paralyser l’économie. Il s’agissait d’un problème systémique, du type de ceux que les modèles traditionnels ont du mal à traiter, mais que les modèles de l’économie de la complexité traitent facilement. Si nous avions disposé de tels modèles, je pense que nous aurions pu prévoir ce qui allait arriver, ce qui aurait peut-être permis d’éviter que les choses ne se passent aussi mal.Pendant la pandémie de Covid, vous avez développé un modèle pour le gouvernement britannique et prédit avec succès le coût économique pour le PIB et l’impact sur l’économie. A savoir un impact de 21,5 % du PIB au deuxième trimestre 2020 - contre 22,1 %, ce qui s’est finalement produit. Vos prévisions étaient meilleures que celles de la Banque d’Angleterre…C’est un bon exemple
de ce que je vous disais plus tôt : alors que l’approche traditionnelle repose sur l’idée que l’économie revient toujours à l’équilibre, ici, le choc a été si rapide et brutal que cette hypothèse a volé en éclat. Alors comment s’y est-on pris ? Le défi était de prendre en compte toute l’hétérogénéité des chocs provoqués par la propagation de la maladie dans les différents secteurs et la manière dont ils allaient interagir entre eux. En fait, nous avons trouvé un tableau indiquant la distance qui sépare les employés les uns des autres dans chaque profession répertoriée. Puis, nous avons supposé que si les personnes étaient éloignées de moins de deux mètres, elles ne pourraient pas se rendre au travail. Après avoir intégré d’autres hypothèses de ce type, nous avons pu prédire avec précision l’ampleur du choc initial dans chaque secteur.Notre modèle de prévision de la propagation du choc dans l’économie était alors très simple : industrie par industrie, nous nous sommes demandé si chacune disposait de la main-d’œuvre nécessaire, des intrants essentiels à la production de l’industrie et de la demande pour cette production. Par exemple, s’il s’agissait d’une entreprise de l’industrie sidérurgique, il fallait s’assurer que les matériaux nécessaires, le fer, l’énergie, le charbon, seraient disponibles. Mais nous ne nous préoccupions pas des intrants optionnels, comme les consultants en management.De plus, nous avons eu la chance de disposer d’une estimation de l’Office of Management and Budget des États-Unis concernant l’impact d’une pandémie de grippe sur la demande de biens, qui s’est avérée être une bonne estimation de ce qui s’est passé dans le cadre du Covid. Jour après jour, nous avons ainsi vérifié si chaque secteur avait de la main-d’œuvre, des intrants et de la demande ; comme la plupart des secteurs produisent des biens qui sont des intrants pour d’autres secteurs, cela nous a permis de suivre la façon dont les chocs circulaient dans l’économie et interagissaient les uns avec les autres. C’est ce qui nous a permis de faire des prévisions précises dès le début de la pandémie.L’une de vos prédictions les plus surprenantes concerne la lutte contre le changement climatique. Selon vous, d’ici à peine trente ans, nous pourrions être passés à une énergie presque exclusivement verte, sans émissions de carbone. Et ce, en économisant de l’argent. Vous allez en étonner plus d’un…Tout le monde s’accorde sur un point : pour lutter efficacement contre le changement climatique, il va nous falloir changer la façon dont nous produisons de l’énergie. Ce qui implique d’identifier et d’investir dans les technologies qui pourraient remplacer le plus rapidement possible les combustibles fossiles et ce, à moindre coût, pour faire la transition énergétique le plus tôt et le moins cher possible. Ironiquement, l’une des méthodes que mon équipe et moi-même avons utilisée pour répondre à ce problème relève davantage du bon sens que de l’économie de la complexité. A savoir examiner le déploiement et le coût des transitions technologiques passées, des téléphones fixes aux téléphones portables, des canaux aux chemins de fer… Ainsi, une tendance s’est dégagée : plus une technologie est produite, plus elle s’améliore, et plus ses coûts baissent de x pour cent. Le pourcentage dépendant de la technologie en question.Il devient nécessaire d’effectuer un changement radical. Je dirais même une révolution. Sans quoi nous continuerons d’être à la peine malgré les défis majeurs qui se posent aujourd’hui.Partant de là, nous avons ensuite observé l’évolution de la production – donc l’amélioration - de différentes sources d’énergie au fil du temps. Et voilà ce que nous avons constaté : contrairement aux combustibles fossiles ou l’énergie nucléaire (https://www.lexpress.fr/economie/nucleaire-le-retour-en-grace-retrouvez-tous-nos-contenus-AHKHMRCODFDS3GT3JPNB3GVZMU/?auth=fd14f1142c), l’énergie solaire, elle, s’améliore très rapidement avec le temps. Ainsi, alors que
le coût des combustibles fossiles tels que le pétrole, le charbon et le gaz est resté relativement constant depuis plus d’un siècle, le coût de l’électricité solaire photovoltaïque, qui était très élevé lors de sa première utilisation en 1958, a été divisé par plus de 10 000 depuis lors. Plus généralement, le coût de l’énergie solaire et des batteries a baissé de manière exponentielle, à raison de 10 % chaque année… Celui de l’énergie éolienne un peu moins vite – plutôt 6 % par an – mais à la différence des combustibles fossiles, leur prix baisse pour tous. Même s’il peut y avoir des variations, lorsqu’une technologie amorce une tendance exponentielle, elle la poursuit généralement. A partir de là, il est possible de classer les technologies et voir ce qu’elles devraient coûter à l’avenir. Et permettez-moi de vous dire que l’un des principaux enseignements de nos recherches en la matière est que le coût du renouvelable pourrait bien être bien moins élevé, à l’avenir, que ce que certains imaginent…Vous avez justement testé trois scénarios…Tout à fait. Le premier est celui d’une transition rapide où nous maintiendrions pendant dix ans le rythme exponentiel actuel de déploiement des énergies renouvelables. Les coûts chuteraient donc très rapidement, les capacités de stockage seraient de plus en plus importantes, de sorte que le renouvelable remplacerait les combustibles fossiles d’ici 20 ans. Le second est celui d’une transition lente où nous ralentirions le déploiement des énergies renouvelables. Leurs coûts continueraient à être plus élevés que celui des énergies fossiles pendant plus longtemps, si bien que ces dernières continueraient à avoir le dessus durablement. En outre, nous avons aussi mis au point un scénario où il n’y aurait pas de transition, c’est-à-dire que les proportions de chaque énergie resteraient les mêmes, avec une croissance constante de 2 % de chaque source d’énergie (le taux auquel l’utilisation d’une énergie a augmenté pendant de nombreuses années dans le monde). Lorsque nous appliquons nos méthodes de prévision des coûts à ces trois scénarios, cela donne quelque chose de surprenant : là où le monde fait le plus d’économies, c’est dans le scénario d’une transition rapide. En clair : notre approvisionnement énergétique se ferait presque exclusivement sans émissions de carbone, et d’ici vingt-cinq ans, les coûts de ces énergies, donc du solaire, de l’éolien, seraient moins chers que jamais. Pour vous donner un ordre d’idée, si nous faisions la transition rapide, nous économiserions… 12 000 milliards de dollars par rapport à une absence de transition.Dans votre ouvrage, vous vous montrez optimiste quant à la capacité de votre modèle à réduire les inégalités dans le monde… Ambitieux !J’ai de bonnes raisons de croire que l’économie de la complexité peut nous permettre de mieux appréhender les effets secondaires générés par certaines politiques. Car à la différence des modèles classiques qui, je le rappelle, partent du principe que chacun maximise son utilité donc considère au fond qu’il n’y a que des gagnants, nous partons du principe qu’un système économique peut aussi produire des perdants. Je vous donne un exemple : lorsque des banques centrales vont acheter des obligations pour contrôler les taux d’intérêt, cela peut effectivement permettre d’atteindre des objectifs macroéconomiques, donc stimuler l’économie. Mais si nos modèles classiques sont capables d’appréhender ce type d’équations, ils vont cependant peiner à prendre en compte les effets secondaires indésirables qui en découlent, par exemple le fait que si vous abaissez les taux d’intérêt, vous stimulez le marché boursier mais cela ne change rien pour les pauvres. Cela accroît donc les inégalités et aggrave la situation d’une partie de la population.Avec l’économie de la complexité, cependant, nous pourrions prendre en compte les implications d’une politique pour toutes les composantes d’une société. En particulier, en utilisant ce que nous
Incendies de Los Angeles : "Pour Donald Trump, l’environnement n’a aucune valeur autre que financière"
https://www.lexpress.fr/environnement/incendies-de-los-angeles-pour-donald-trump-lenvironnement-na-aucune-valeur-autre-que-financiere-QJ7Y7ZGRWNGBRBL6H5655I3D5I/

Alors que les incendies qui ravagent la Californie, et particulièrement Los Angeles (https://www.lexpress.fr/monde/amerique/incendies-a-los-angeles-deux-infographies-pour-comprendre-lampleur-inedite-de-la-catastrophe-MJNBE3MJF5EYHAFVQM5DO7FGHM/), ont déjà provoqué la mort de seize personnes et entraîné l’évacuation de plus de 180 000 habitants, le président élu Donald Trump (https://www.lexpress.fr/economie/politique-economique/face-a-donald-trump-ces-trois-reponses-que-lue-doit-imperativement-donner-EDTDJTLE5RGMHI5M6F3CTJPOYM/) s’en est pris aux dirigeants démocrates de cet Etat de l’ouest des Etats-Unis. Sur son réseau Truth Social, il a affirmé que la région manquait d’eau à cause des politiques environnementales menées et que l’eau de pluie serait détournée pour protéger un "poisson inutile". De fausses informations également relayées par le milliardaire Elon Musk (https://www.lexpress.fr/monde/elon-musk-donald-trump-et-le-doge-les-premiers-pas-du-projet-fou-pour-sabrer-les-depenses-publiques-UQJIVYULRRBEJFME5WBN6HMLRQ/), proche du Républicain, et qui figurera dans son nouveau gouvernement.Leur réaction n’étonne guère Christophe Roncato, maître de conférences en études américaines à l’Université Grenoble Alpes, spécialiste d’histoire environnementale et d’écologie industrielle. Ce chercheur, qui étudie la transition énergétique de la Californie, a vécu dans la région dans les années 1990, avant d’y retourner régulièrement pour son travail au cours des années 2010. Pendant ces périodes, il a assisté à l’allongement de la saison des incendies, une des conséquences du changement climatique (https://www.lexpress.fr/economie/changement-climatique-causes-consequences_1492154.html). Il porte un regard lucide sur le discours "simplifié à l’extrême" des deux hommes, et évoque l’avenir des politiques climatiques américaines sous le second mandat de Donald Trump.L’Express : Donald Trump n’est même pas encore en poste qu’il déclenche déjà une première controverse en relayant de fausses informations et en rejetant toute la responsabilité sur Gavin Newsom, le gouverneur démocrate de Californie…Christophe Roncato : C’est sa stratégie ! Pourquoi ne pas accuser le voisin… Donald Trump souffle constamment le chaud et le froid, et plutôt le chaud d’ailleurs. J’en retiens deux choses. La première, le fond de l’affaire : si on dépasse son côté fantasque, les enjeux socio-écologiques sont pour lui triviaux. Dans l’esprit de Trump, l’économie et l’écologie sont désimbriquées. En cela, il s’inscrit dans une tradition qui trouve ses racines chez certains économistes du XVIIIe siècle pour qui les "richesses sont inépuisables". Cette tradition nourrit encore la pensée néolibérale actuelle, dont il est l’héritier. L’environnement n’a pour lui aucune valeur autre que financière.La seconde : il y a beaucoup à apprendre sa gestion des catastrophes naturelles lors de son premier mandat. Entre 2017 et 2020, on dénombre au moins quatre catastrophes d’ampleur : en 2018, la Californie est touchée par d’importants feux ; l’État de Washington en 2020 ; et en 2017, l’ouragan Maria s’abat avec une rare violence sur Puerto Rico. Ces deux Etats démocrates et l’Etat libre associé qu’est Puerto Rico ne soutenant pas Trump, celui-ci retarde volontairement l’envoi des aides financières d’urgence. Il a tout fait pour qu’elles n’arrivent pas, ou pas entièrement. A l’inverse, lorsque l’ouragan Michael heurte la Floride en 2018, Trump débloque immédiatement la totalité des fonds d’urgence en insistant sur le fait que la Floride avait voté à 90 % pour lui. Cette politique clientéliste résume bien son fonctionnement. Si cela le sert, ou si on l’a servi au préalable, via un vote par exemple, il avance bras
ouverts. Mais s’il n’y retrouve pas ses intérêts, c’est bien plus compliqué.Elon Musk a aussi minimisé le rôle du changement climatique dans les incendies de Los Angeles. Que peut donner ce duo pour la politique environnementale des Etats-Unis sous le deuxième mandat de Donald Trump ? La poursuite de cette politique de "clientélisme climatique" ?Complètement. Deux remarques. En 2016, Donald Trump a été un peu surpris par sa victoire et n’était pas réellement préparé. Les premières semaines ont passé sans la moindre conférence de presse. Mais cette fois, il est en ordre de bataille. On n’est pas encore le 20 janvier qu’il a déjà mis tout le monde en place. Il va être plus efficace et exécuter son programme de manière beaucoup plus rapide et profonde. Il a déjà placé une grande partie de ses pions - pions qui sont vraiment à sa botte. C’est ce qui m’inquiète le plus. Lors de Trump 1, on avait des personnes comme Mike Pence (https://www.lexpress.fr/monde/amerique/etats-unis-le-republicain-mike-pence-jette-leponge-pour-la-presidentielle-2024-SSOOTLSFHNCLTKUJUNAZHXAH3Q/) qui servaient de garde-fous ; notamment sur les épisodes que j’ai évoqués plus haut, l’exemple des feux en Californie. Sous l’administration Trump 2, il est fort probable que ces garde-fous disparaissent.Ensuite, la préparation du second mandat est bien différente. Les postes clés de la future administration (https://www.lexpress.fr/environnement/derriere-donald-trump-linquietant-deluge-de-messages-anti-science-de-ses-futurs-ministres-CPYWVKSG7BASJKETPGMDXGYBYM/) sont déjà pourvus. A la tête de l’Agence de protection de l’environnement des États-Unis (EPA), c’est Lee Zeldin, qui est issu des énergies fossiles et qui est en faveur d’un affaiblissement des lois environnementales. Au département de l’Energie, c’est Chris Wright, PDG du pétrolier Liberty Energy, un climatosceptique notoire. Ils vont batailler pour déréguler un maximum. L’économie est totalement hors sol. Tout se passe comme si l’économie et l’écologie évoluaient dans deux sphères différentes, comme si aucune matière première n’intervenait dans les chaînes de production et de consommation. Incroyable, non ?Face à la recrudescence des catastrophes climatiques, combien de temps Donald Trump ou Elon Musk peuvent-ils rester sur cette ligne de déni ?Ils avancent un agenda à marche forcée et n’ont que faire de la science. S’il y a une catastrophe et que l’État est majoritairement républicain, je pense qu’ils débloqueront rapidement des aides. Et puis à l’inverse, on ira dire à des gens comme Gavin Newsom, donc des Démocrates, qu’ils ont mal géré leurs affaires. On le voit actuellement avec les feux de Los Angeles, Trump accuse Newson d’avoir mal géré la ressource en eau. On entend aussi souvent l’argument d’une mauvaise gestion des coupes forestières, qui laissent énormément de végétation susceptible d’alimenter les feux… Comme toujours, que ce soit Donald Trump ou Elon Musk, tout est simplifié à l’extrême. Là où on pourrait s’interroger sur les dynamiques de long terme qui alimentent la crise écologique, sur les politiques publiques, sur les choix en matière d’urbanisme, on se répand en invectives. @lexpress (https://www.tiktok.com/@lexpress?refer=embed) 2024 est officiellement l'année la plus chaude enregistrée sur Terre. #sinformersurtiktok (https://www.tiktok.com/tag/sinformersurtiktok?refer=embed) #apprendreavectiktok (https://www.tiktok.com/tag/apprendreavectiktok?refer=embed) #newsattiktok (https://www.tiktok.com/tag/newsattiktok?refer=embed) ♬ original sound - L’Express (https://www.tiktok.com/music/original-sound-7458292991938661153?refer=embed) Cela augure-t-il de relations compliquées entre l’Etat fédéral et la Californie, déjà très critique du président élu lors de son premier mandat ?En écoutant Gavin Newsom réagir aux propos de Donald Trump, on sent qu’il est exaspéré. Il va y avoir des tensions. Mais il est évident que ces gouverneurs et leurs administrations misent sur la marge de
manœuvre assez importante qu’ils ont à l’échelle de leur Etat.D’autres problèmes se poseront sûrement. L’exemple des assurances est intéressant. En Californie, certains assureurs se sont retirés depuis deux ans et le gouvernement fédéral est censé prendre la suite. Sur un feu de cette taille, qui a l’impact d’un ouragan – on parle de 50 milliards de dollars de dégâts -, c’est Washington qui devrait prendre la relève. Mais la somme est telle que l’on peut se demander si le gouvernement fédéral sera en mesure de la débloquer. Et quid des choix de Trump dans un tel contexte ? Il me semble probable que Trump 2 renforce encore plus les injustices sociales et environnementales.La Californie, fortement touchée par ces feux, a paradoxalement la réputation d’être plutôt une bonne élève de la transition énergétique…Historiquement, c’est un des tout premiers États à se positionner sur les questions environnementales. Dans les années 1880 déjà, les premières réglementations sur le sujet apparaissent : on interdit par exemple l’extraction hydraulique qui causait des dégâts majeurs en ravageant des bassins versants entiers. Dans le domaine du transport, pensons également, plus tard, aux pots catalytiques, expérimentés dans le laboratoire californien et qui ont ensuite fait florès à l’échelle nationale et internationale.Mais on est aussi au cœur d’un paradoxe, avec cet État qui a la force de frappe économique d’un pays. Quand on regarde le scénario de transition de la Californie, certes très ambitieux et élaboré par des experts, on peut s’interroger sur les choix qui le soutiennent. Typiquement tout ce qui relève des besoins en matières premières, pourtant essentiels à une transition juste, n’est pas pris en compte. Les ressources en métaux ne sont pas quantifiées, les externalités liées à l’extraction de ces ressources ne sont pas identifiées. A certains égards, la Californie oublie elle aussi que l’économie et l’écologie sont intimement imbriquées.
Radio Nostalgie, ça plane pour elle : les secrets de la deuxième antenne musicale de France
https://www.lexpress.fr/societe/radio-nostalgie-les-secrets-dune-reussite-inattendue-2A7IV37G4FCA7GY33RDAPJAZBY/

Petit matin d’hiver, semaine de rentrée scolaire. The Cure et Daniel Balavoine (https://www.lexpress.fr/culture/musique/anniversaire-de-la-mort-de-balavoine-daniel-se-foutait-de-la-celebrite_1752908.html?auth=30e51bc355) en guise de réveil. Douche au son de Love Is in the Air. Rapide détour par l’actualité, la mort de Jean-Marie Le Pen (https://www.lexpress.fr/culture/musique/anniversaire-de-la-mort-de-balavoine-daniel-se-foutait-de-la-celebrite_1752908.html?auth=30e51bc355), les soldes, le départ de Didier Deschamps, la météo, définitivement pas terrible, surtout dans le nord de la France. On ne s’attarde pas, quatre minutes maximum, le temps d’un café, à peine d’une tartine, on enchaîne avec Indochine et leur Trois nuits par semaine, une petite tranche de publicité, place à Whitney Houston. Pendant que les antennes généralistes réveillent leurs auditeurs à coups de chroniques, interviews, débats, d’invités politiques ou économiques qui décrivent un monde au bord du gouffre, Radio Nostalgie décline une partition bien à elle, faite de "musique et de bonne humeur". De la chanson, de la chanson et encore de la chanson. Mais pas n’importe laquelle. Essentiellement puisée parmi les titres les plus connus des années 1980. Et ça marche. De mieux en mieux.Les grincheux, qui se piquent de branchitude musicale ou sont atteints de snobisme aigu, pincent le nez à l’évocation d’une radio au nom qui sent bon la France d’avant. Mais les chiffres sont là, implacables. Chaque jour, "Nosta", comme la désigne Xavier Laissus Pasqualini, son patron depuis douze ans, rassemble 3,6 millions d’auditeurs et la matinale de Philippe et Sandy, 1,4 million. La légère inflexion de la dernière mesure Médiamétrie (-50 000 auditeurs par rapport à la même période de 2023) n’y change pas grand-chose : Nostalgie est la deuxième antenne musicale de France, juste derrière NRJ. "Dans un univers où les acteurs se multiplient, où les audiences se divisent plus qu’elles n’augmentent, il est remarquable qu’un média historique parvienne à construire de l’audience", applaudit Frank Lanoux, historique de la bande FM, qui a coordonné le Dictionnaire amoureux de la radio (Plon).Tout sauf "parisienne"Ces dernières années, Nostalgie a su capter les envies de l’époque, entre soif de légèreté et besoin de proximité. Peu importe que ses studios se trouvent au pied de la tour Eiffel, peu importe qu’elle soit première en Ile-de-France, Nostalgie se veut tout sauf "parisienne". Xavier Laissus Pasqualini le répète à l’envi, à chaque entretien qu’il accorde. Dans sa bouche, le terme "parisien" n’a aucune portée géographique, il désigne ceux qui sont "loin du quotidien des auditeurs". Nostalgie dispose de trente décrochages locaux. Et pour parfaire son image de "radio du coin de la rue", ses animateurs, à l’instar de Philippe et Sandy, sont très Monsieur et Madame Tout-le-Monde. Depuis le 10 janvier, Jean-Luc Reichmann, visage télévisuel familier des Z’amours et des 12 coups de midi, y occupe aussi une tranche tous les vendredis. Mot d’ordre pour tous : simplicité et convivialité.A l’antenne, les animateurs souhaitent bon courage à Paul et Lucie, qui sont "aides à la personne dans le Maine-et-Loire et se lèvent tôt", ils remercient John et Lindsay qui, "depuis les quatre coins de la France", suivent la radio sur les réseaux sociaux. Entre deux jeux permettant de gagner des places de concert ou un dîner avec une star, les auditeurs sont invités à raconter ce qui les mettait de bonne humeur à l’école. Le sujet est sans risque, les anecdotes nombreuses. On évoque le passage à la boulangerie pour le goûter, Madame Ferris, la dame si gentille qui servait à la cantine. On se moque (gentiment) de celui qui aimait essuyer le tableau avec la vieille éponge moisie, on parle corde à sauter
et élastique, odeur de la polycopieuse et du pot de colle blanche. L’effet "madeleine de Proust" fonctionne à plein. De l’autre côté du poste, on se surprend à sourire.Instabilité à l’international, absence de visibilité politique en France (https://www.lexpress.fr/politique/michel-barnier-face-a-la-motion-de-censure-nos-recits-et-analyses-de-lactualite-politique-JLLSTL242FESVI2IGYN5RJOZZY/), faits divers angoissants… Nostalgie incarne un monde familier et rassurant dans un univers qui ne l’est pas. Avec une ambition modeste : amener ses auditeurs à chantonner une ritournelle évocatrice des bons moments de leur vie. En décidant, il y a quelques années, de rajeunir sa sélection musicale pour en écarter les titres des années 1960 ou 1970 et se concentrer sur les années 1980, la radio a trouvé la martingale. Pour les quinquas qui ont grandi dans ces années-là, un titre de Mylène Farmer, de Jean-Jacques Goldman ou de Queen ravive le souvenir d’un premier amour, d’une bande de copine ou d’un concert mythique. Les premières mesures des Démons de minuit, de Nuit de folie ou d’Eve, lève-toi réveillent les images d’un mariage, d’un anniversaire ou d’une soirée d’été. On oublie que les années 1980 ont aussi été celles de l’émergence du sida, du chômage de masse et des premiers attentats pour n’en garder que les photos sépia d’une époque heureuse, celle où la famille était encore soudée, où tout était encore possible, un temps de l’insouciance que quelques notes suffisent à raviver.Une antenne au goût sucré de l’enfanceParce que les quinquas, désormais parents, ont imposé leur bande-son à leurs enfants, Nostalgie est aussi la fréquence la mieux partagée dans le cercle familial ou amical. La marque dépasse allègrement les frontières qui lui ont été désignées au sein du groupe NRJ, auquel elle appartient depuis la fin des années 1990. Sur le papier, la répartition des rôles y est claire : à NRJ, le public jeune, à Chérie FM, celui des jeunes adultes, à Nostalgie, celui des adultes. Mais à l’exception des allergiques à la publicité, Nostalgie séduit dans toutes les tranches de la population : 13 % de ses auditeurs ont moins de 30 ans et 35 % moins de 50 ans.Preuve qu’elle est une radio familiale, elle connaît un net regain de succès en été, lors des vacances et des soirées qui s’éternisent autour du barbecue, mais aussi les 24 ou le 31 décembre avec une écoute en streaming qui double ou triple pour les réveillons. Peu importe que les plus jeunes n’aient pas grandi avec Confidence pour confidence, Libertine, Sweet Dreams ou I’m Still Standing - les quatre chansons les plus programmées à l’antenne -, peu importe qu’ils les apprécient ou les détestent sur un plan artistique, l’essentiel est qu’elles ont le goût sucré de l’enfance, des tubes chantés à tue-tête sur la route des vacances et des bals du 14 Juillet.La radio n’est pas seule concernée par le retour en grâce de la nostalgie. A l’initiative de ceux qui y voient un intérêt commercial ou qui se veulent à l’avant-garde de la mode ou la culture, l’engouement pour les pastilles vintage de l’Institut national de l’audiovisuel, le succès des rediffusions d’émissions de télé comme Le Juste Prix ou le Bigdil ou les tentatives de faire revivre les R5 ou les 4L en version électrique témoignent d’un attachement renouvelé au monde d’hier. Etonnante évolution pour une notion souvent décriée. "Au XVIIe siècle, le mot a été créé pour désigner la maladie qui frappait ceux qui quittaient leur ancrage spatial. Aujourd’hui, dans un monde de progrès technologique, elle est fréquemment perçue comme régressive, comme à contretemps", note l’historien Thomas Dodman, professeur à l’université Columbia à New York et auteur de Nostalgie, histoire d’une émotion mortelle (Seuil).Utilisée par les plus conservateurs des politiques, à l’image d’un Donald Trump (https://www.lexpress.fr/monde/amerique/donald-trump_1702460.html) et de son slogan Make America Great Again, renvoyée comme une critique aux classes
populaires qui ne comprendraient pas le sens de l’histoire, la nostalgie rebute encore. "Mais elle évolue, elle est protéiforme. Les psychologues disent, par exemple, qu’elle est une émotion positive, un recadrage utile pour les personnes qui se sentent perdues", reprend Thomas Dodman. Rester populaire sans passer pour réac, idéaliser le passé sans sombrer dans le délétère "Ah, c’était mieux avant !", c’est à ce délicat équilibre que s’essaie Radio Nostalgie depuis plusieurs années. Et, incontestablement, ça plane pour elle…
Guerre en Ukraine : les macabres rĂ©vĂ©lations du journal d'un soldat nord-corĂ©en dĂ©ployĂ© avec les Russes
https://www.lexpress.fr/monde/europe/guerre-en-ukraine-les-macabres-revelations-du-journal-dun-soldat-nord-coreen-deploye-avec-les-russes-XWRFXPXAQZHNNOJDXPSITKXJNI/

L’arrivée de troupes nord-coréennes sur le champ de bataille en octobre dernier, aux côtés des troupes de Moscou, avait été une nouvelle très inquiétante pour Kiev (https://www.lexpress.fr/monde/europe/guerre-en-ukraine-loperation-speciale-de-kiev-contre-les-refractaires-a-la-mobilisation-militaire-PPSLVTDT6BANNCJL5E3PHHQUNQ/). L’Ukraine semble aujourd’hui en apprendre davantage sur leur utilité au sein de l’armée dirigée par le Kremlin. Samedi 11 janvier, l’Ukraine a annoncé avoir capturé deux soldats nord-coréens (https://www.lexpress.fr/environnement/guerre-en-ukraine-kiev-dit-interroger-deux-soldats-nord-coreens-faits-prisonniers-B7H57UFVSFBIJOSQT5Z2DNCIC4/) dans la région russe de Koursk, et dit procéder à leur interrogatoire. L’un d’eux, âgé de 19 ans, a assuré qu’il pensait venir s’entraîner en Russie, et non combattre, a fait savoir le service national du renseignement de Corée du Sud (NIS), qui coopère avec son homologue ukrainien, le SBU.Mais le journal de bord d’un autre soldat nord-coréen, récupéré par Kiev sur le champ de bataille après sa mort le 21 décembre, offre, selon le Wall Street Journal, des détails macabres concernant le rôle des milliers d’unités Nord-Coréennes à Koursk.Certains extraits ont récemment été rendus publiques par les forces d’opération spéciales ukrainiennes. Entre deux scènes de la vie quotidienne sur le front et des passages exprimant l’amour du jeune soldat pour son dirigeant nord-coréen, Kim Jong-un (https://www.lexpress.fr/monde/europe/les-bombes-humaines-de-kim-jong-un-ces-soldats-delite-qui-menacent-lukraine-EXC6QWACL5FEFMHQG2F7Y44ZYQ/), des diagrammes grossiers esquissés à l’encre bleue y détaillent les sombres tactiques militaires que doivent appliquer les soldats nord-coréens déployés en soutien sur le front. À l’approche d’un drone ukrainien (https://www.lexpress.fr/monde/europe/comment-contrer-les-drones-fpv-ukrainiens-quand-les-soldats-russes-recoivent-un-guide-de-survie-YSRXJ7ZS2RHOPKUDLUUKIPREOE/) par exemple, un soldat appelé "appât" reste immobile pour attirer le drone, afin que d’autres soldats puissent tenter de l’abattre. "Même au prix de ma vie, j’exécuterai les ordres du commandant suprême sans hésitation", peut-on lire sur une page adjacente. "Je montrerai au monde la bravoure et le sacrifice des forces spéciales de Kim Jong Un."Cette tactique reflète, selon le quotidien américain, le peu de considération faite par l’armée russe pour ces renforts nord-coréens. "Au cours de leurs premières semaines de combat, les soldats nord-coréens ont été déployés imprudemment, selon des images de drones des forces spéciales ukrainiennes et des experts militaires. Ils traversent des champs ouverts à pied et sans véhicules blindés ni renforts d’artillerie, leurs uniformes de camouflage sombres sont très visibles contre la neige blanche. Leur formation et leur intégration avec les forces russes semblent inadéquates", affirme le journal, qui rapporte par ailleurs que de nombreux soldats nord-coréens choisissent la mort plutôt que la capture. Le gouvernement ukrainien a lui aussi affirmé que la capture des deux hommes qu’il détient n’avait pas été aisée. "Les Russes et les autres soldats nord-coréens achèvent leurs blessés et font tout pour effacer les preuves de la participation d’un autre Etat" dans la guerre, (https://www.lexpress.fr/monde/ukraine-donald-trump-prepare-une-rencontre-avec-vladimir-poutine-pour-en-finir-avec-la-guerre-ESCHT5IPBRDNRLNRWMKX3E33IU/) a indiqué Volodymyr Zelensky (https://www.lexpress.fr/monde/europe/guerre-en-ukraine-volodymyr-zelensky-demande-des-troupes-occidentales-pour-forcer-la-russie-a-la-QACAG3IKLNCDTKP4EBMKGU4X7A/).Les soldats nord-coréens en première ligneLes premiers aperçus des
Nord-coréens en action les représentent sous la contrainte, effrayés ou confus, selon une compilation vidéo publiée par l’armée ukrainienne et vérifiée par Storyful, qui appartient à News Corp, la société mère du Wall Street Journal. "Dans la compilation, des groupes de troupes nord-coréennes se recroquevillent sur place ou tentent de fuir des drones ukrainiens qui les poursuivent", affirme le WSJ.Selon les différents décomptes, près de 12 000 soldats nord-coréens - souvent très jeunes - ont été déployés en soutien dans la région russe de Koursk en octobre dernier, quelques mois après la signature d’un pacte de défense mutuelle entre les deux pays. Une information jamais confirmée publiquement ni par Moscou ni par Pyongyang. En tant que seul territoire russe en partie sous contrôle ukrainien, Koursk est considéré comme une monnaie potentielle dans tous pourparlers qui arrêteraient les combats.D’abord maintenus à l’écart pendant des mois, les soldats nord-coréens jouent depuis quelques semaines un rôle crucial dans la reprise du territoire perdu par la Russie et dans la résistance à la contre-offensive (https://www.lexpress.fr/monde/europe/guerre-en-ukraine-kiev-lance-de-nouvelles-operations-offensives-dans-la-region-russe-de-koursk-BVPSZFLXB5GRPNIRVSP4FUWP7E/)actuellement lancée par l’Ukraine. (https://www.lexpress.fr/monde/ukraine-une-brigade-zombie-formee-en-france-visee-par-une-enquete-K7O6V6J4DNDMRIFF264ZJAJPCQ/) Environ 30 % des troupes envoyées en Corée du Nord auraient déjà été déployées pour des combats de première ligne, selon Doo Jin-ho, analyste à l’Institut coréen d’analyses de la défense à Séoul cité par le WSJ. "Les Nord-Coréens contribuent à ce que la frontière ne soit pas franchie et libèrent les soldats russes pour chercher des percées dans d’autres régions", explique l’analyste. Selon Volodymyr Zelensky, plus de 4 000 Nord-Coréens sont morts ou ont été blessés depuis leur arrivée sur le champ de bataille. Selon le gouvernement américain, 1 000 d’entre eux sont morts au cours de la seule dernière semaine de décembre.
Nintendo : avant la sortie de la Switch 2, les derniers secrets d'un empire du jeu vidéo
https://www.lexpress.fr/economie/high-tech/nintendo-avant-la-sortie-de-la-switch-2-les-derniers-secrets-dun-empire-du-jeu-video-5NZ6ZO6DPJE67HZCP5VUTDTASU/

Qui pleure les mĂ©chants tuĂ©s dans les jeux vidĂ©o (https://www.lexpress.fr/economie/loot-boxes-vers-la-fin-de-la-machine-a-cash-pour-les-jeux-video_2179072.html) ? L’idĂ©e fait sourire, tant ces morts remplies d’hĂ©moglobine provoquent d’ordinaire l’exultation. Ce ne sont, après tout, que des personnages virtuels. Le but mĂŞme du jeu est de les supprimer. Mais Shigeru Miyamoto n’est pas comme tout le monde. Le lĂ©gendaire producteur de Nintendo, père de Mario, Zelda (https://www.lexpress.fr/culture/zelda-tears-of-the-kingdom-ce-que-disent-les-chiffres-sur-le-dernier-jeu-phenomene-de-nintendo-NVG7J5XG5BE4HPP5TK5ZSO4W4Y/) et Donkey Kong a cherchĂ© toute sa vie Ă  provoquer des Ă©motions positives chez les joueurs.Les jeux guerriers oĂą les balles fusent ne sont vraiment pas sa tasse de thĂ©. Dans les annĂ©es 90, alors qu’il teste un jeu James Bond du studio Rare qui doit sortir sur Nintendo 64, il suggère mĂŞme, avec une innocence dĂ©sarmante, que la sĂ©quence des crĂ©dits de fin fasse visiter au joueur chacune de ses victimes virtuelles sur son lit d’hĂ´pital. "Je lutte aussi contre l’idĂ©e que tuer les monstres serait systĂ©matiquement une bonne chose. Ils ont une motivation et des raisons d’être tels qu’ils sont", confiait-il au New Yorker (https://www.newyorker.com/culture/the-new-yorker-interview/shigeru-miyamoto-wants-to-create-a-kinder-world). MĂŞme un secteur aussi chargĂ© d’adrĂ©naline et de bagarres que le jeu vidĂ©o (https://www.lexpress.fr/economie/high-tech/take-two-microsoft-le-secteur-des-jeux-video-en-forte-zone-de-turbulences-44QNZBPGEVEGRGTDCUL47DLF5E/) a son DalaĂŻ-lama. Un doux dingue dont les idĂ©es semblent d’une naĂŻvetĂ© confondante avant de se rĂ©vĂ©ler d’une modernitĂ© folle.La concurrence a appris Ă  la dure Ă  ne pas sous-estimer le "gentil garçon" du jeu vidĂ©o qu’a toujours Ă©tĂ© Nintendo. A l’heure oĂą beaucoup de studios mettent dĂ©sormais l’histoire de leurs titres au premier plan, le Japonais n’a jamais perdu de vue l’ingrĂ©dient clef d’un jeu : sa dimension ludique. "Ses Ă©quipes traquent avec un soin obsessionnel tout ce qui peut agacer ou ennuyer les joueurs et le transforment en quelque chose de simple et d’amusant", explique FrĂ©dĂ©ric Markus, dirigeant de Féérik Games passĂ© par tous les plus grands studios, de Nintendo Ă  Rockstar, Ubisoft ou encore Epic Games. Une logique simple qui a fait du groupe l’acteur le plus inventif de son domaine.Les coups de gĂ©nie de NintendoLes joueurs ont mal aux doigts Ă  force de marteler leurs boutons pour explorer des mondes que la 3D vient d'Ă©tendre ? Nintendo met Ă  leur disposition, en 1996, un joystick analogique, qui suit en souplesse le moindre geste du pouce et que ses concurrents s’empresseront de copier l’annĂ©e suivante. Les trajets d’un village PokĂ©mon Ă  l’autre sont barbants ? Nintendo leur donne du piquant en dissĂ©minant dans les prĂ©s ses crĂ©atures fantastiques. Le Japonais a rĂ©volutionnĂ© le jeu de course avec la mĂŞme logique ludique. Dans Mario Kart, les dĂ©rapages ne vous font pas ralentir, mais accĂ©lĂ©rer. Et, Ă  rebours des titres traditionnels, les retardataires ont toujours une chance de rattraper le peloton, en jetant sous les roues adverses des carapaces de tortues ou des peaux de bananes.Cela ne marche pas Ă  tous les coups. La console Wii U, par exemple, a Ă©tĂ© un fiasco. Mais Nintendo sait que les ratĂ©s font partie du processus. Cet Ă©chec posera de plus les bases qui conduiront au carton qu’a Ă©tĂ©, cinq ans plus tard, la console portable Switch. L’entreprise, toutefois, ne sort un produit que si elle pense avoir quelque chose de novateur Ă  proposer. Nintendo attendra ainsi longtemps avant de s’aventurer dans les mondes ouverts 3D, ce genre très populaire oĂą le joueur peut vagabonder Ă  sa guide dans l’univers du jeu.Cela fait alors dĂ©jĂ