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Des soldats de l'armée française installent un obusier automoteur Caesar français lors d'une manifestation au salon international de défense et de sécurité terrestre et aérienne Eurosatory, à Villepinte, le 16 juin 2024.La hausse de la part du PIB consacré à la défense par les Européens, comme le demande Trump, peut-elle justement profiter aux industriels français de l’armement ? "Ils n’exportent pas beaucoup leurs matériels en Europe, souligne Julien Malizard. Il pourrait y avoir des opportunités pour produire sous licence ou accepter des coentreprises, mais cela passerait par un changement de mentalité, car nos industriels sont plus frileux que ceux d’Allemagne, par exemple, pour associer davantage des producteurs locaux ou monter des filiales."L’intention de Donald Trump est probablement toute différente. "Il veut surtout que les Européens dépensent pour acheter aux Américains, mais il n’est pas sûr que ceux-ci soient capables de produire déjà plus", estime Renaud Bellais, codirecteur de l’observatoire de la défense de la Fondation Jean-Jaurès. Le paradoxe de l’annonce du républicain est que les Etats-Unis sont à moins de 3,5 % de PIB consacré à la défense depuis plusieurs années. S’ils sont montés à 4,9 % de dépenses en 2010, au moment des engagements dispendieux en Irak et en Afghanistan, il faut remonter aux années 1980 pour les voir dépasser les 5 %.Les 5 % de Trump, espèrent les Européens, ne sont qu’une base de négociation. Le nouveau secrétaire général de l’Otan, Mark Rutte (https://www.lexpress.fr/monde/europe/mark-rutte-a-la-tete-de-lotan-une-bonne-nouvelle-pour-lue-I54MAYY43REKFIGJDJP264UHAU/), a déjà prévenu qu’il faudrait aller bien au-delà des 2 %, sans s’avancer sur un chiffre ou des modalités à décider entre pays membres. Il s’agit, par ces dépenses, de renforcer la défense du continent et de dissuader le Kremlin de toute attaque, ou de pouvoir y résister, sachant qu’elle opposerait probablement la Russie à une coalition continentale. "L’une des grandes leçons de la guerre en Ukraine, c’est qu’un tel conflit amène des pertes matérielles et humaines, précise Renaud Bellais. Une hausse importante du budget militaire permettrait de gagner en épaisseur."Reste à savoir si cela est acceptable au niveau politique et social. A richesse constante, il faudrait piocher sur une autre partie du budget de la nation. "Je sais que dépenser plus pour la défense revient à dépenser moins pour d’autres priorités, a reconnu le mois dernier Mark Rutte (https://www.nato.int/cps/en/natohq/opinions_231348.htm). Les pays européens dépensent facilement jusqu’à un quart de leur revenu national pour les retraites, la santé et la sécurité sociale, nous avons besoin d’une petite fraction de cet argent." Si de tels choix semblent évidents pour les pays limitrophes de la Russie, c’est moins le cas à l’ouest du continent.
François Molins : "Le 11 janvier 2015 a été le dernier moment de concorde nationale"
https://www.lexpress.fr/societe/francois-molins-la-reaction-a-charlie-hebdo-fut-le-dernier-moment-de-concorde-nationale-QRJ3SPLJBNEPBAAVXM7U7ONZTE/

Dix ans après les attentats de 2015 qui ont frappé Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher, François Molins, procureur de Paris de 2011 à 2018, revient sur ces quelques jours qui ont profondément marqué la France. Au-delà des défis rencontrés et des leçons apprises, il partage aujourd’hui ses réflexions sur l’impact de ces événements dramatiques, non seulement sur la magistrature, mais aussi sur la société française.L’Express : Que vous reste-t-il dix ans après l’attentat contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher ?François Molins : L’attentat, d’abord, ce sont des images qu’on n’oublie pas. Le souvenir est tellement fort que j’ai du mal à croire que c’était il y a dix ans. C’est aussi le souvenir d’une époque qui était vraiment très anxiogène. On avait l’impression d’être enfermés dans une spirale de la terreur qui se traduisait par une répétition régulière des attentats et qui nous renvoyait finalement à une forme d’impuissance, d’incapacité. C’est une période qui a duré trois ans, de 2015 à 2017, très dure à vivre parce que vous vous rendez compte que, quelles que soient l’ampleur et la valeur de votre travail, l’amélioration que vous y apportez ou la qualité de la collaboration avec les services de renseignement, vous n’arrivez pas à endiguer le phénomène terroriste.Que représentent les attentats de 2015 pour la magistrature en particulier ?Charlie Hebdo, c’est la bascule dans l’exportation de ce qu’on pourrait appeler le djihad global en Europe à son plus haut niveau. C’est la première étape des attentats majeurs qui vont secouer toute l’année 2015. Pour nous, magistrats, cette date charnière nous conduira à une autre façon de travailler face à l’augmentation considérable de la menace. Nous revoyons notre réponse judiciaire. Nous prenons l’habitude de fonctionner avec des retours d’expérience pour essayer de corriger ce qui fonctionne mal. Charlie Hebdo, par exemple, nous permet de nous rendre compte que la police judiciaire, à l’inverse du parquet, n’a pas des référents uniquement dédiés aux victimes et que la prise en charge n’est pas optimale. Le soir du 13 novembre (https://www.lexpress.fr/culture/les-espions-de-la-terreur-quand-les-series-semparent-des-attentats-du-13-novembre-6CQGIIE3J5ETFLEBRVXU2JKB2I/) révèle aussi des dysfonctionnements dans l’accueil des familles. Nous en tirons des enseignements pour éviter que cela se reproduise lors de l’attaque de Nice. Nous nous rapprochons aussi beaucoup des services de renseignement, nous travaillons beaucoup mieux qu’avant avec eux.Et en matière de politique pénale ?Avec les attentats de 2015, nous prenons conscience d’un phénomène que nous n’avions pas du tout pressenti : l’alliance entre les gens du terrain, qui appartiennent à al-Qaeda et à Daesh. En Syrie, ils se combattent (https://www.lexpress.fr/monde/proche-moyen-orient/la-syrie-en-guerre_989289.html) mais chez nous, ils sont sans une entente objective pour se répartir les objectifs et s’entraîner pour préparer les attentats contre des Français, où qu’ils se trouvent. A partir de 2015, nous conduisons une réflexion qui va nous amener à modifier notre politique pénale et à considérer que tous ceux qui partent en Syrie rejoignent une association de malfaiteurs terroristes qui a pour but de commettre des attentats contre les personnes. Du jour au lendemain, toutes ces personnes sont mises en examen sur des bases criminelles et non plus correctionnelles. Elles ne sont plus justiciables du tribunal correctionnel de Paris avec des peines maximales de dix ans de prison, mais de la cour d’assises spéciale où elles encourent des peines de trente ans. Du jour au lendemain, nous avons un peu plus de 80 dossiers dans ce cas.Comment préserve-t-on les principes du droit dans un climat d’angoisse aussi
intense que celui de 2015 ?Il est difficile de dire qu’on est complètement insensible à la pression, non pas à la pression populaire, mais à la pression de l’événement. Il y a alors des enjeux majeurs en termes de sécurité. La Syrie n’est pas loin, nous sommes confrontés au défi "d’entraver" l’action de tous ces gens qui ont basculé et sont susceptibles de commettre des attentats. Mais, et c’est en cela qu’on est dans un Etat de droit, c’est à la justice qu’on confie cette tâche à la suite du travail des services de renseignement. Et ce, dès 1986 avec la suppression de la justice d’exception – cour de sûreté de l’Etat et tribunaux militaires – et avec la création d’une équipe de magistrats spécialisés dans le terrorisme agissant dans le respect des grands principes conventionnels de la procédure pénale.Pendant l’année 2015, vous prenez beaucoup la parole. Pourquoi est-ce important ?Les attentats causent beaucoup de peur dans la population. Ils génèrent des situations de chaos. Et dans le chaos, il faut remettre les choses en ordre. Avec les attaques de Mohammed Merah déjà, nous avions pris conscience de la nécessité et de l’utilité de nommer les choses, de prendre la parole et de donner des éléments d’information aux gens. Or, le seul qui peut le faire, c’est le procureur, puisque la loi lui donne le monopole de la communication sur les enquêtes judiciaires.Dans les procès des attentats de masse, il y a beaucoup de victimes et un petit nombre d’accusés. Comment gère-t-on ce déséquilibre numérique ?Le 13 novembre est un très bon exemple montrant que la justice sait s’adapter. Le procès aura toujours pour but premier de statuer sur des accusations portées contre des personnes. Mais effectivement, il y a des centaines de victimes qui ont des droits parce qu’elles sont parties civiles et qui attendent beaucoup du procès. C’est une occasion pour elles de commencer à se reconstruire. Il faut le prendre en compte. La justice s’est adaptée, elle a fait en sorte que les victimes puissent toutes s’exprimer et leur a réservé suffisamment de temps. C’est un exemple qui montre que la justice française fonctionne bien quand on lui en donne les moyens. Et le fait que ce soit une cour d’assises spéciale – et non une justice populaire – n’y change rien. L’essentiel, c’est qu’on applique le droit. On l’a vu récemment avec la leçon donnée sur la définition de l’association de malfaiteurs terroristes dans le dernier arrêt de la cour d’assises à propos de l’affaire de Carcassonne et de Trèbes.La situation actuelle en Syrie réveille-t-elle vos inquiétudes ?Il faut être prudent à l’égard d’Abou Mohammed al-Joulani qui était un djihadiste mais qui semble être devenu très pragmatique. On saura assez vite à quoi s’en tenir en se fondant sur un élément : sa tolérance à l’égard des autres cultes en Syrie, qui sont nombreux – sunnites, chrétiens d’obédiences diverses, alaouites… Ce sera un signal. Mais c’est aussi de l’espoir pour les gros dossiers judiciaires que nous avons avec la Syrie. Quand j’étais en poste à Paris, j’avais ouvert une enquête à partir du fichier César (des dizaines de milliers de photographies documentant la pratique de la torture par le régime syrien d’Assad). A l’époque, il n’y avait aucune coopération internationale. Ce serait bien d’avoir des éléments qui permettent de faire avancer ces dossiers sur des faits qui sont particulièrement graves.Avez-vous le sentiment que les attentats de Charlie ont changé la société française ?Charlie, pour moi, à travers les réactions du pays aux attentats des 7, 8 et 9 janvier, est le dernier moment de concorde nationale, avec la manifestation monstre du dimanche 11 janvier, même s’il y avait des questions et des polémiques. Mais est-ce qu’il y a eu, depuis, une manifestation de concorde comme celle-là dans notre pays ? Clairement, la réponse est non. Je n’ai pas le sentiment que le pays soit plus uni aujourd’hui qu’il ne l’était il y a dix ans.Où serez-vous du 7 au 9 janvier ?Je serai aux
cérémonies commémoratives. Sauf rares absences pour raisons professionnelles à l’étranger, j’ai toujours été présent.
Réforme des retraites : le Fonds de réserve, la solution deux en un pour la France, par Nicolas Marques
https://www.lexpress.fr/economie/politique-economique/reforme-des-retraites-le-fonds-de-reserve-la-solution-deux-en-un-pour-la-france-par-nicolas-marques-FN5JGWROXFH3ZJ4GAFBUXTKUDA/

Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, vient de proposer de piocher dans le Fonds de réserve pour les retraites (FRR) pour financer la pause sur la réforme des retraites. (https://www.lexpress.fr/economie/entreprises/reforme-des-retraites-le-cout-dune-abrogation-O3KV5JOMZVHSBBIR4Y3PNZ2WZU/) Ce projet témoigne d’une fuite en avant. Au lieu de vider les réserves, il faut les renforcer. Et pour ceux qui sont attachés au redressement des finances publiques, l’objectif consisterait même à faire du FRR un fonds souverain dédié aux retraites des fonctionnaires.Le FRR est une création de Lionel Jospin. Au début des années 2000, le Premier ministre de François Mitterrand voulait garantir la pérennité des retraites par répartition en créant des réserves significatives, avec un "objet" investissant sur les marchés pour faire face aux déséquilibres à venir. Une idée de bon aloi. Mais sa mise en œuvre fut chaotique.Comme l’a souligné Eric Lombard lorsqu’il était patron de la Caisse des dépôts, avant de devenir ministre de l’Economie, les gouvernements successifs n’ont pas résisté à la tentation de puiser dans ce fonds. Bilan : les réserves placées n’ont jamais atteint le niveau prévu. Elles représentent aujourd’hui à peine une vingtaine de milliards d’euros, alors que Lionel Jospin tablait sur sept fois plus. Du point de vue financier, cela constitue une gabegie, avec un manque à gagner pour le contribuable qui se chiffre en dizaines de milliards d’euros.Depuis 2011, le FRR a rapporté 13 milliards d’euros de gains, en dépit de sa petite taille. S’il avait été alimenté comme prévu initialement, il aurait rapporté 76 milliards d’euros à la collectivité, soit six fois plus, selon la dernière étude de l’Institut Molinari. Le brûlant sujet des retraites serait donc moins problématique.Renforcer le Fonds de réserve des retraitesQu’Olivier Faure propose de vider ce trésor de guerre mis en place par l’un de ses prédécesseurs à la tête du Parti socialiste témoigne d’un fort degré d’incompréhension. Ces réserves sont insuffisantes et la priorité devrait être de les consolider car dans tous les régimes de retraite bien gérés - qu’il s’agisse de l’Agirc-Arrco (https://www.lexpress.fr/economie/politique-economique/marylise-leon-cfdt-sur-lagirc-arrco-le-projet-du-gouvernement-est-condamnable-U7BI35V2RNDZXGRBTA6K56X4UA/) ou des professions libérales -, elles ont montré leur utilité. Et lorsque l’Etat cherche périodiquement à s’en emparer, les partenaires sociaux montent au créneau pour l’en dissuader. (https://www.lexpress.fr/economie/politique-economique/agirc-arrco-les-dessous-dun-psychodrame-pour-le-gouvernement-borne-4LCORBZB2NH5BD3U3L2KPHPUCY/) C’est d’ailleurs ce qui a manqué au Fonds de réserve pour les retraites : une vraie protection, avec des acteurs défendant les intérêts collectifs de long terme contre les appétits à court terme de l’Etat.Une vraie façon de protéger le FRR serait d’en faire un fonds souverain dédié aux retraites des fonctionnaires. Cela permettrait à l’Etat d’économiser à terme une soixantaine de milliards d’euros par an. On l’oublie souvent, mais l’Etat gère les retraites de ses agents sans respecter les règles qui sont imposées aux employeurs classiques. Or ses dépenses de retraite ont triplé en plus de quarante ans. Elles représentent 62 milliards d’euros en 2023, contre l’équivalent de 20 milliards d’aujourd’hui en 1977. L’explosion de cette dépense explique une part significative du déficit public structurel et la dégradation du service public rendu aux contribuables. L’Etat n’a rien provisionné, n’a pas placé de capitaux pour autofinancer les pensions qu’il verse à ses anciens employés. A titre d’illustration, si l’Etat
avait provisionné une partie des retraites de ses fonctionnaires, comme le fait le Sénat, il aurait économisé 35 milliards d’euros en 2023. Mieux, il aurait réalisé 60 milliards d’économies s’il avait provisionné toutes les retraites de ses personnels, comme le fait la Banque de France pour les pensions de ses agents.Plutôt que de vider définitivement le Fonds de réserve des retraites, il faudrait donc le renforcer, quitte à financer cet investissement par de l’endettement, à l’instar des projets de nos voisins allemands ou espagnols. Si le FRR se voyait confier le provisionnement des retraites de la fonction publique d’Etat, une montée en puissance sur une quarantaine d’années, avec 1 % du PIB investi par an, permettrait de créer un fonds souverain représentant 90 % du PIB. D’ici à 2070, les intérêts dégagés permettraient de financer l’intégralité des retraites versées par l’Etat à ses personnels et la charge d’intérêt liée à la montée en puissance du fonds. Accessoirement, nous disposerions d’un fonds souverain, dont une partie serait investie en France et en Europe, zones où l’innovation et la croissance sont à la traîne, faute de financements de long terme. Si l’on veut préserver nos retraites, il faut accepter d’investir, ce qui devrait aussi rassurer les marchés financiers, inquiets de l’incapacité de la France à corriger ses lacunes structurelles.* Nicolas Marques est directeur général de l’Institut économique Molinari
Livres : l’incroyable vie de la religieuse et résistante Yvonne-Aimée de Malestroit
https://www.lexpress.fr/culture/livre/livres-lincroyable-vie-de-la-religieuse-et-resistante-yvonne-aimee-de-malestroit-JKEF74CSLRFYPEFU6TI623FQCI/

Les femmes plus ou moins oubliées à réhabiliter (comme l’a fait Olivier Guez avec Gertrude Bell à la dernière rentrée) sont devenues un marronnier marketing. Jean de Saint-Cheron a trouvé un créneau plus original : sortir de la naphtaline des figures religieuses féminines et en parler de manière très vivante, drôle même, dans le sillage d’une certaine sainte trinité littéraire formée par Léon Bloy, Charles Péguy et Georges Bernanos. Deux ans après un livre sur sainte Thérèse de Lisieux (Eloge d’une guerrière), qui a été un succès de librairie, Saint-Cheron revient avec un sujet plus pointu : Malestroit raconte l’incroyable vie d’Yvonne Beauvais (1901-1951), qui fut bien plus que "puissante", "inspirante" ou autre épithète creuse – ce n’est pas le général de Gaulle qui nous contredira, nous y reviendrons.Née dans la bourgeoisie, la jeune Yvonne avait un destin tout tracé : épouser un ingénieur et lui donner une nombreuse descendance. Problème : dès la petite enfance, elle découvre Histoire d’une âme de Thérèse de Lisieux, et veut l’imiter. Très tôt, elle sert les pauvres dans les quartiers les plus déshérités de la banlieue parisienne. Elle renonce à se marier et devient bonne sœur à Malestroit, en Bretagne. Souffrant de migraines encore pires que celles de Blaise Pascal, elle n’est pas banale : des fleurs apparaissent dans sa bouche, elle combat le diable physiquement, porte les stigmates du Christ et a le don de bilocation (elle peut se trouver à deux endroits en même temps) – oui, ce récit s’aventure dans le surnaturel, diront les croyants ; ou dans le paranormal, répondront les incrédules. Quand éclate la Seconde Guerre mondiale, Yvonne s’engage dans la Résistance. La clinique qu’elle a ouverte à Malestroit lui permet de soigner des dizaines de blessés. Elle cache des juifs, des maquisards et des parachutistes alliés avant et après avoir été torturée par la Gestapo. En juin 1945, elle reçoit la croix de guerre avec palme. Un mois plus tard, de Gaulle en personne fait le déplacement à Vannes pour lui remettre la Légion d’honneur. Après s’être découvert, il salue la "magnifique conduite" de cette nonne pas comme les autres. Elle deviendra son ange gardien, ainsi que celui de son épouse. Yvonne de Gaulle voue en effet une sorte de culte à Yvonne Beauvais – à partir de 1945, elle conservera sur elle une image de la religieuse. Le 22 août 1962, après que 14 balles tirées au fusil-mitrailleur auront atteint la DS présidentielle lors de l’attentat du Petit-Clamart, la première dame de France sera formelle : son couple doit son salut à la protection de l’autre Yvonne, qui veille sur eux de là-haut. Tout le monde n’aura pas cette dévotion. Après sa mort en 1951, un dossier de canonisation d’Yvonne avait été déposé au Vatican. Mais, en 1960, le cardinal Ottaviani s’oppose à ce qu’on aille plus loin dans l’étude de son cas, pour ce motif hallucinant de la part d’un homme d’Eglise : "Trop de miracles." S’il était encore de ce monde, Ottaviani aurait des sueurs froides en lisant Malestroit…Loin de l'idéologieLes esprits retors noteront que ce livre sort chez Grasset, donc chez Hachette, propriété de Vincent Bolloré. L’hagiographie d’une religieuse du Morbihan, voilà qui a tout pour enchanter le milliardaire breton. Après avoir fait du prosélytisme dans ses médias (à Paris Match hier, au JDD aujourd’hui), va-t-il désormais transformer ses maisons d’édition en couvents et presbytères ? L’an dernier, Amandine Cornette de Saint Cyr a bien marché avec Au secours sainte Rita, publié chez Fayard, autre filiale d’Hachette. Rassurons les bouffeurs de curés : Vincent Bolloré n’est pas encore doué de bilocation, et il n’a pas le temps de dicter leurs livres aux auteurs de son groupe. En retraçant le parcours d’Yvonne
Beauvais, Saint-Cheron ne fait jamais d’idéologie (croisade anti-woke, etc.). Il parvient même à citer Françoise d’Eaubonne, la philosophe écoféministe qui, en 1971, fut cofondatrice du flamboyant Front homosexuel d’action révolutionnaire (FHAR) ! La façon qu’il a de dépoussiérer ce genre littéraire a priori suprêmement ringard qu’est la vie de saint rappelle le Yann Moix de Mort et vie d’Edith Stein, paru en 2008. On sent, surtout dans la deuxième partie du récit, où il met en scène des nazis qui semblent échappés de La Grande Vadrouille, que Saint-Cheron s’émancipe des archives sur lesquelles il travaille pour flirter avec la fiction. Se convertira-t-il pour de bon au roman à l’avenir ? On suivra de près ses prochains livres.Malestroit, par Jean de Saint-Cheron. Grasset, 215 p., 20 €.
Rodéo sur des cerfs et dessins à la craie : ces macaques japonais qui intriguent les scientifiques
https://www.lexpress.fr/sciences-sante/sciences/les-observer-cest-tenter-de-nous-comprendre-les-macaques-japonais-intriguent-les-scientifiques-FKT3GATO6BHORHEOINAOD7ALYA/

Le décor semble tout droit sorti du film Princesse Mononoké de Hayao Miyazaki. Le réalisateur japonais s’en était d’ailleurs largement inspiré pour reproduire les forêts de mousse où se déroule l’intrigue de son chef-d’oeuvre. Lîle-volcan de Yakushima est une merveille de biodiversité : alors que des tortues viennent pondre sur ses plages au climat chaud, il peut neiger au même moment à son sommet. C’est au cœur de ce paysage onirique qu’a été observé un comportement culturel étonnant entre deux espèces qui n’ont, à première vue, rien en commun : des macaques et des cerfs sika pratiquent… le rodéo. Ici, les singes s’amusent à monter sur le dos des cerfs et à y rester quelques secondes, voire quelques minutes pour les ongulés les plus tolérants. Une tradition très connue par les chercheurs et les habitants de l’île, qui reste pourtant difficile à observer.Aussi étonnant que cela puisse paraître, ce comportement n’a pas fini d’intriguer les scientifiques. En janvier 2017, une vidéo d’un jeune macaque japonais ayant une relation sexuelle avec une biche sur cette île japonaise avait fait le tour du monde. Ces images documentaient, pour la première fois, une pratique sexuelle interespèce chez un primate, humain excepté. Un événement exceptionnel, pensait-on, bien qu’on sache désormais qu’il constitue une pratique relativement courante. Près de huit ans plus tard, deux nouvelles études publiées dans les revues scientifiques Primates et Cultural Science publiées fin décembre 2024 proposent des pistes de réflexion autour de ce comportement, dont l’aspect sexuel n’est en réalité qu’une composante parmi d’autres dans la relation entre macaques et cerfs. Pourquoi les macaques font-ils cela, et pourquoi les cerfs l’acceptent-ils ? Quel lien faire avec l’Homme ? Quelques jours plus tard, le 7 janvier dernier, une autre analyse scientifique publiée là encore dans Primates tente d’éclaircir un autre mystère : que signifient ces marques laissées par simple manipulation de pierres et de craies sur le sol par ces macaques ? Le Français Cédric Sueur, éthologue au CNRS, spécialiste des comportements collectifs chez les primates, et à l’origine de ces publications, allant jusqu’à se demander si les humains n’avaient pas commencé à dessiner par accident. "Cela offre une fascinante fenêtre sur l’émergence involontaire du dessin dans notre histoire évolutive", précise-t-il. Entretien.L’Express : Près de huit ans ont passé entre la première observation d’un acte sexuel entre un macaque japonais et un cerf sika, ce qui avait alors fait le tour du monde. Deux études publiées récemment montrent, notamment, que ce comportement n’est qu’une composante des liens qui unissent les singes et les ongulés sur l’île de Yakushima. Quelles sont vos conclusions ?Cédric Sueur : En réalité, cela fait assez longtemps qu’on sait que les macaques font du rodéo sur des cerfs à Yakushima. Le problème, c’est qu’il n’y avait jamais eu d’étude scientifique réalisée sur le temps long qui tenterait de comprendre les avantages de présenter ce comportement pour les macaques et les cerfs. Et c’est ce qu’on a voulu faire. J’ai donc demandé à des chercheurs nippons de m’envoyer leurs vidéos. On a pu en analyser plus d’une vingtaine qui montrent des "rodéos" qui s’étalent sur plusieurs années. En réalité, on pourrait penser que c’est un comportement facilement observable, mais ce n’est pas du tout le cas. Je suis récemment allé à Yakushima pendant cinq jours, et je n’ai pu l’observer que durant deux petites secondes. C’est donc quelque chose d’assez rare.Ce qui est intéressant dans nos conclusions, c’est que le comportement sexuel n’est qu’un aspect des interactions entre ces deux espèces. On a pu constater que de
jeunes mâles en marge du groupe s’adonnaient à cette pratique sur des biches parce qu’ils n’avaient pas accès aux femelles, réservées au mâle dominant, en période de reproduction. Concernant les femelles, il s’agit là encore de jeunes individus encore adolescentes et rejetées par les mâles qui satisfont leurs envies de cette manière. C’est donc un manque d’accès à la reproduction qui crée ce comportement. Mais ils savent très bien que c’est un cerf, et non un macaque ! D’ailleurs, cette frustration sexuelle se manifeste de différentes manières, puisqu’on observe aussi des femelles qui se frottent l’une sur l’autre mais aussi face à face, comme les bonobos. Les mâles, eux, peuvent aussi avoir en complément des pratiques masturbatoires.Mais le sexe n’est pas la seule explication de ce comportement de type "rodéo" ?Non, effectivement, il n’y a pas un rapport sexuel à chaque fois. On a également pu observer que le cerf cherche à attirer le singe sur son dos afin de jouer avec lui ; mais aussi un comportement thermorégulateur quand le macaque s’allonge complètement sur le dos du cervidé afin qu’ils se réchauffent mutuellement. Il y a aussi le toilettage qui permet à l’un de se nourrir des puces, et à l’autre de se débarrasser des parasites. Par ailleurs, on s’est rendu compte que, si certains cerfs acceptent sans problème d’avoir le macaque sur leur dos, d’autres sont très agressifs. On ne sait pas pourquoi ils refusent d’être montés, si c’est juste une question de personnalité ou d’affinité. Enfin, on a voulu tester l’hypothèse d’un déplacement : les singes se servent-ils des ongulés pour faire de longues distances, comme nous avec un cheval ? Mais on n’a pas observé cela sur le terrain.On ne peut observer des singes faire du rodéo sur des cerfs que sur l’île de Yakushima ?Pas forcément. C’est vrai que c’est très connu dans cette région, ils en font même la publicité dans les magasins. Mais à côté d’Osaka, des chercheurs canadiens ont aussi observé des singes qui avaient ce comportement.S’agit-il d’un comportement ancien, ou est-ce seulement récemment que les macaques ont décidé de monter sur des cerfs ?C’est un point intéressant. En Chine comme au Japon, on va retrouver beaucoup de figurines qui montrent des macaques monter sur des chevaux. Les macaques représentent les messagers des dieux, et ils font le lien entre le cheval et l’humain. J’ai par exemple chez moi une figurine qui date d’un peu plus de 100 ans où on voit cela. Sur des parchemins japonais datant des XIIe et XIIIe siècles, on a également une série d’animaux quelque peu anthropomorphisés, dont un macaque assis sur un cerf. Cela veut-il dire qu’il s’agit d’un comportement ancien ? On ne le sait pas. Cela peut aussi être le fruit de l’imagination des dessinateurs et sculpteurs de l’époque.
Des macaques sur l'île de Yakushima, au Japon.On dit souvent que "l’Homme descend du singe", mais il serait plus correct de dire que nous sommes, nous aussi, des primates. Quel lien faites-vous entre ce comportement et notre espèce ?Pourquoi les cerfs et les macaques se sont-ils rapprochés sur cette île japonaise précisément ? En réalité, les cerfs sika n’ont plus de prédateur naturel depuis la disparition du loup japonais au tout début du XXe siècle. Ils se sont donc reproduits, et sont aujourd’hui en surpopulation. Conséquence : ils manquent de nourriture car plus aucune plante ne pousse sur le sol, au point que certains sont contraints de manger leurs excréments. Se rapprocher des singes leur permet donc de profiter des feuilles ou des fruits qui tombent des arbres où vivent les macaques. Les singes, eux, en profitent pour se nourrir de leurs poux ou pour se réchauffer. C’est gagnant-gagnant en quelque sorte. Tout cela nous fait penser au rapprochement entre l’Homme et le cheval, ou entre l’Homme et le loup, ce qui aboutira au final à un processus de domestication. Les deux espèces y trouvaient un intérêt.Mais ce n’est pas tout. En Arabie saoudite par exemple, des groupes de babouins volent régulièrement des chiots. Ils les habituent à vivre dans leur groupe, les nourrissent, et les chiens devenus adultes les protègent des autres canidés qui viendraient attaquer les bébés babouins. Il y a là aussi presque un processus de domestication qui serait à l’œuvre, sans l’aspect de modification génétique bien entendu comme ça a pu être le cas entre l’homme et le loup.On a longtemps cru que la culture était réservée à l’Homme. On sait aujourd’hui que la plupart des animaux possèdent des comportements dits "culturels". Peut-on parler de culture, selon vous, quand on observe les macaques japonais ?Qu’est-ce qu’une culture ? Il s’agit d’un comportement présent dans une ou plusieurs populations, absent dans une ou plusieurs autres populations, et qui ne peut pas s’expliquer par une différence écologique. On est donc parfaitement dans ce cas de figure. On sait que c’est présent à Yakushima et à côté d’Osaka, mais qu’on ne l’observe pas dans d’autres endroits du Japon où il y a des cerfs et des singes qui cohabitent. La question est désormais de savoir comment ce comportement est né, et d’observer si ça se propage ou non.Il est aujourd’hui nécessaire d’incorporer les comportements culturels dans les programmes de conservation des espèces animales. Aujourd’hui, on parle uniquement de nombre d’individus et de patrimoine génétique quand on souhaite sauver une espèce, mais sauver ce patrimoine culturel chez les animaux est tout aussi essentiel. On s’est rendu compte qu’un programme de sauvegarde d’une espèce peut échouer si on ne prend pas en compte cet aspect.Dans une autre étude que vous avez publiée le 7 janvier dernier, vous étudiez la pratique du dessin chez les macaques japonais. Avec cette question : et si les humains avaient commencé à dessiner par accident ?L’utilisation de technologies complexes par les humains (Homo sapiens) et leurs ancêtres est une caractéristique clé de notre évolution, marquée par l’apparition des outils en pierre il y a 3,3 millions d’années. Ces technologies reflètent une complexité cognitive et une compréhension avancée des matériaux et des mécanismes. L’étude des primates actuels, en particulier ceux qui utilisent des pierres, offre un éclairage sur l’évolution des comportements humains.En particulier, la manipulation de pierres par les macaques suggère que certains comportements complexes chez les humains, tels que la création d’outils tranchants et bifaces, pourraient être apparus de manière non intentionnelle. Les macaques japonais de Shodoshima ont ainsi été observés en train de laisser des marques sur le sol à l’aide de pierres et de craies. En analysant cette manipulation des pierres, je propose que le dessin chez les humains pourrait être apparu de manière involontaire ; ces origines non
intentionnelles des comportements de marquage pourraient représenter les premiers précurseurs du dessin humain.
Guerre en Ukraine : Kiev dit interroger deux soldats nord-corĂ©ens faits prisonniers
https://www.lexpress.fr/environnement/guerre-en-ukraine-kiev-dit-interroger-deux-soldats-nord-coreens-faits-prisonniers-B7H57UFVSFBIJOSQT5Z2DNCIC4/

C’est une preuve supplémentaire de la présence de soldats nord-coréens (https://www.lexpress.fr/monde/europe/des-soldats-nord-coreens-combattent-en-russie-les-etats-unis-promettent-une-reponse-ferme-ZG7PGWW2EBDYPAFPBONJN4XOMA/) envoyés combattre aux côtés de l’armée russe. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (https://www.lexpress.fr/monde/europe/exclusif-volodymyr-zelensky-le-portrait-inedit-dun-president-en-guerre-LQRSZWUSBBBOXH5HCS3KYP53HM/) a affirmé, ce samedi 11 janvier, que ses troupes avaient fait prisonniers, dans la région russe de Koursk (https://www.lexpress.fr/monde/europe/guerre-en-ukraine-kiev-lance-de-nouvelles-operations-offensives-dans-la-region-russe-de-koursk-BVPSZFLXB5GRPNIRVSP4FUWP7E/), deux Nord-coréens, ensuite transférés à Kiev où ils sont désormais interrogés."Ce sont deux soldats qui, bien que blessés, ont survécu et ont été acheminés à Kiev où ils parlent avec des enquêteurs du SBU", les services de sécurité ukrainiens, a-t-il déclaré sur Telegram."Ce n’était pas une tâche aisée : généralement, les Russes et les autres soldats nord-coréens achèvent leurs blessés et font tout pour effacer les preuves de la participation d’un autre Etat, la Corée du Nord, à la guerre contre l’Ukraine", a poursuivi le président ukrainien."Le monde doit savoir ce qu’il se passe"Le dirigeant a accompagné son message de photos en détention des deux militaires présumés. L’un d’eux a des pansements visibles autour des mains, l’autre autour du menton. Selon Volodymyr Zelensky, ces prisonniers reçoivent "toute l’aide médicale nécessaire". Il a affirmé avoir ordonné au SBU de fournir à la presse un accès aux détenus. "Le monde doit savoir ce qu’il se passe", a-t-il indiqué.Fin décembre 2024, le chef d’Etat avait déclaré que des soldats nord-coréens très grièvement blessés étaient morts en Ukraine après avoir été faits prisonniers. Selon Kiev, 12 000 soldats nord-coréens, dont environ 500 officiers, se trouvent dans la région de Koursk, dont l’armée ukrainienne occupe plusieurs centaines de kilomètres carrés depuis août. Ni la Russie ni la Corée du Nord n’ont confirmé la présence de ce contingent.
L’exposition Ă  voir : Jean-Jacques Henner et ses drĂ´les de dames
https://www.lexpress.fr/culture/art/lexposition-a-voir-jean-jacques-henner-et-ses-droles-de-dames-4GEEUOI4NNDHLNXS3RRB3TCQGU/

Dorothy, Juana, Marie… Dans les dernières décennies du XIXe siècle, elles ont manié le pinceau sous la tutelle de leur illustre professeur et connu des fortunes diverses.
Mark Burnett, l'homme sans qui Donald Trump n'aurait jamais été président
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Il suffit parfois d’une seule idée pour changer une vie et devenir immensément riche. Mark Burnett, 64 ans, en sait quelque chose. Voilà deux décennies, c’est lui qui a inventé l’émission de télé-réalité The Apprentice, qui a relancé la carrière déclinante de Donald Trump (https://www.lexpress.fr/monde/amerique/donald-trump_1702460.html) et placé ce dernier sur une rampe de lancement vers la réussite que l’on sait. Depuis, Burnett, fils d’ouvrier né dans la banlieue est de Londres, a accumulé une fortune évaluée à 500 millions de dollars. Pas mal pour un ancien parachutiste de l’armée britannique engagé dans la guerre des Malouines (1982) à l’âge de 22 ans, devenu vendeur de tee-shirts sur la promenade de Venice Beach, à Los Angeles, puis, dans les années 1990, producteur de télévision à Hollywood."Trump passait pour un mariole"A l’époque, Burnett – dont l’itinéraire est raconté par le journaliste d’investigation Patrick Radden Reefe dans le formidable Voleurs ! Bandits ! Escrocs ! publié ces jours-ci chez Belfond – n’est encore qu’un producteur parmi d’autres. Cependant, en 1997, il découvre le programme de télé-réalité suédois Expedition Robinson. Il en rachète les droits et s’empresse de le renommer Survivor l’année suivante – la version française, lancée en 2001, s’appelle Koh-Lanta. L’émission est un carton d’audience. "Burnett était un second couteau à Hollywood mais ce triomphe a fait de lui un oracle du divertissement", explique Patrick Radden Reefe. Quelques années passent et Burnett, qui a les dents longues, invente un nouveau concept : Survivor, mais en ville. Des candidats se disputeront un poste dans une entreprise. La jungle urbaine, en somme. Titre de l’émission ? The Apprentice (L’Apprenti). Pour tenir le rôle du grand patron, Burnett a besoin d’une "incarnation". Des chefs d’entreprise de l’establishment new-yorkais sont approchés. Ils refusent.Le producteur pense alors à un certain Donald Trump. Célèbre depuis les années 1980, il a façonné son personnage grâce au best-seller The Art of the Deal. Depuis, son empire immobilier vacille. Accumulant les faillites, il est pour ainsi dire un has been. "En 2003, il n’était plus qu’un énergumène cantonné à la scène locale, fréquent objet de risée du tabloïd new-yorkais Page Six", rappelle à L’Express Radden Reefe qui, le premier, s’est intéressé au rôle de Burnett dans la vie de Donald Trump. "Il passait pour un mariole, surtout connu pour sa drôle de coupe de cheveux, ses faillites en séries et les robinets en or de son appartement sur la 5e Avenue, dont tout le monde savait qu’ils étaient 'fake'." D’abord, Trump hésite, comme il l’a raconté dans les années 2000 : "Je ne voulais pas avoir des caméras partout dans mon bureau quand je discute avec des entrepreneurs, des politiciens, des mafieux et tous les autres types avec qui je dois parler business. Vous savez, les mafieux n’aimeraient pas qu’il y ait des caméras partout dans la pièce quand ils me parlent."Il invente aussi la punchline "Tu es viré !"Ça tombe bien, le concept de The Apprentice n’a pas grand-chose à voir avec la réalité. Au contraire, l’émission est hautement scénarisée, avec des répliques écrites à l’avance et une mise en scène digne d’un mauvais téléfilm. Tenté, Trump accepte la proposition de Burnett. Indiscipliné, il se montre incapable de respecter le script. Abrasif, il est capable de jeter à la figure d’un candidat : "John, ne le prends pas mal, mais tout le monde te déteste, okay ?" Disruptif mais créatif, il invente au passage la punchline "Tu es viré", marque de fabrique de l’émission. "Trump appartient à la même catégorie que l’ancien président des Philippines Rodrigo Dutertre qui traitait le pape de 'fils de pute', juge Patrick Radden Reefe. A la télé, les personnalités
transgressives sont irrésistibles. Vous les écoutez, votre cœur se met à battre un peu plus vite et vous en redemandez.""Le concept de The Apprentice repose sur une d’arnaque"Donald Trump crève l’écran. Mais travailler avec lui n’est pas une sinécure. "Comme il ne suivait pas le déroulé du jeu au jour le jour, le magnat de l’immobilier arrivait régulièrement peu préparé pour la séquence finale", rembobine celui qui est aussi l’une des plumes du prestigieux New Yorker. "Sans trop savoir quel candidat avait tiré son épingle du jeu, il devait prononcer la fameuse phrase : 'Tu es viré'. Parfois, un postulant se distinguait pendant les épreuves, ce qui n’empêchait pas Trump de le renvoyer sur un coup de tête." Dans ces cas-là, les monteurs étaient obligés de "rétroconcevoir" l’épisode, passant en revue des centaines d’heures de rushs pour mettre en avant les rares moments où le candidat avait pu commettre une gaffe. "Ce genre de tour de passe-passe est habituel dans l’industrie de la téléréalité. Toutefois, le concept de The Apprentice reposait sur une sorte d’arnaque."Mark Burnett – également producteur de The Voice – avait initialement prévu de changer de présentateur chaque année, mais il décide de fidéliser Trump. Pendant les dix saisons suivantes, il est l’unique vedette de The Apprentice. Burnett et Trump s’associent à 50-50 et multiplient les placements de produits dans l’émission, ce qui leur rapporte des millions de dollars. Trump en profite aussi pour promouvoir ses propriétés, l’une après l’autre. L’émission est tournée dans l’un de ses appartements de la Trump Tower, qu’il loue à la production. Les candidats organisent des événements au Trump National Golf Club, où ils vendent l’eau en bouteille Trump Ice. Et l’équipe gagnante de la saison 1 remporte le droit de séjourner et de jouer au casino Trump Taj Mahal d’Atlantic City, suivie par des caméras (l’établissement, en faillite, a définitivement fermé ses portes peu après).Saison après saison, l’image de Donald Trump évolue et s’installe dans l’imaginaire des Américains. Les cadreurs de l’émission filment leur vedette en contre-plongée, façon Leni Riefenstahl. "Trump dominait le téléspectateur", lit-on dans Voleurs ! Bandits ! Escrocs ! Ses apparitions étaient chorégraphiées pour un effet maximal, sur fond de musique sombre, à base de batterie et de cymbales électroniques. La "salle du conseil" – le décor dans lequel Trump décidait quel candidat renvoyer – baignait dans le clair-obscur menaçant d’un remake du Parrain. Et l’on voyait Trump faire visiter aux participants son appartement rococo au sommet de la Trump Tower en déclarant : "Je montre cet endroit à très peu de gens. Des présidents, des rois…" Dans le petit monde des tabloïds où il avait longtemps évolué, Trump avait toujours été "Donald". Grâce à The Apprentice, il est enfin devenu M. Trump.
Voleurs ! Escrocs ! Bandits ! de Patrick Radden Keefe (éd. Belfond)"Il incarne l’idée que les pauvres se font des riches", dira l’essayiste Fran Lebowitz. Le financier Jonathan Braun, qui a participé à la saison 1 de l’émission, ajoutera pour sa part : "L’Amérique moyenne a vu toutes ces choses clinquantes, l’hélicoptère et les éviers plaqués or, et elle a vu la personne la plus riche de l’univers. Les gens que je connaissais dans la haute finance ont compris que c’était une vaste plaisanterie." Grace à The Apprentice, la notoriété de Donald Trump – jusque-là cantonnée à New York – atteint en tout cas tous les foyers jusqu’au fin fond du Nebraska. Auprès de Monsieur Tout-le-Monde, il passe désormais pour le "roi de Manhattan" alors qu’il est loin, très loin, d’être un acteur majeur du marché immobilier new-yorkais. Conclusion de Radden Reefe : "En définitive, sa carrière politique repose sur deux 'fakes' : L’Art du deal, le best-seller de 1982 qu’il n’a pas écrit et où il se fait passer pour un businessman hors pair, et The Apprentice, ce programme bidon qui lui a permis de se faire connaître de tous. Sans cette émission, Trump ne serait jamais devenu président.""Un bonimenteur de foire.."En 2015, Trump arrête The Apprentice pour se lancer en politique. La suite est connue. Après Trump 1 à la Maison-Blanche, voici la saison 2 qui démarre le 20 janvier. "Son second mandat sera comme The Celebrity Apprentice, cette version people de The Apprentice. A partir de 2008, cette variante du programme initial mettait en scène des célébrités de seconde catégorie", sourit Radden Reefe. Anisi, Robert F. Kennedy Jr (https://www.lexpress.fr/sciences-sante/sante/kennedy-jr-a-la-sante-du-catastrophique-du-tres-inquietant-et-quelques-idees-interessantes-PQCCJUCLDZBODECUCPTGFRMLB4/)(nommé à la Santé) et l’ancien présentateur de Fox News Pete Hegseth (https://www.lexpress.fr/monde/amerique/pete-hegseth-le-protege-de-donald-trump-plombe-par-des-scandales-C7LYUH42NNG5VFTACNGMTMD6ZY/) (nommé au Pentagone) seront les célébrités de la présidence à venir.Quant au discret Britannique Mark Burnett, aujourd’hui un fervent chrétien, il vient d’être nommé émissaire du président au Royaume-Uni. Un poste dont les contours restent flous. A New York, Patrick Radden Reefe soupire : "Il restera surtout dans les annales pour avoir offert à un bonimenteur de foire sans cesse en faillite le rôle d’un homme qui avait le potentiel pour devenir le leader du monde libre."
Un disparu nommĂ© RaphaĂ«l Glucksmann : ses amitiĂ©s renouĂ©es, ses hĂ©sitations pour 2027…
https://www.lexpress.fr/politique/un-disparu-nomme-raphael-glucksmann-ses-amities-renouees-ses-hesitations-pour-2027-ZTNL5UWUSBHXJF6VO56PBJ4NCU/

Pourquoi sourit-il autant ? Voilà pourtant vingt minutes que Raphaël Glucksmann (https://www.lexpress.fr/politique/victoire-de-trump-ukraine-democraties-europeennes-le-cri-de-colere-de-raphael-glucksmann-NNFYQATPXJBBHLBDQRYAHRN2NA/) plombe l’ambiance. "Il va y avoir la guerre en Europe d’ici à 2029", dit-il les yeux écarquillés, paraphrasant les paroles du ministre de la Défense allemand. Ce constat, il le répète à qui veut l’entendre dans ce café de la place Saint-Georges, à deux pas de chez lui. Au jeune serveur qui lui apporte son thé au miel, par exemple. Donald Trump et les menaces d’annexion du Groenland, Elon Musk et sa mission de déstabilisation des démocraties européennes… A-t-il seulement convaincu ? "Ça ne nous regarde pas", balaie timidement son interlocuteur. "Oh si, ça va vite nous regarder !", ironise-t-il. Raté pour cette fois. Le 20 janvier, il suivra le mouvement et quittera définitivement la plateforme X. "Néron est au pouvoir aux US", reprend-il. "Néron", assure-t-il - mi-fier, mi-grave - il l’a rencontré le 10 mars 2011, lorsqu’il était conseiller spécial du président géorgien, Mikheil Saakachvili. A l’époque, Donald Trump lui avait confié ses ambitions futures. "Avec quel programme ?", avait demandé Glucksmann. "Very simple : because I am the best." Sur le coup, il l’avait méprisé. Dans le fond, l’anecdote le fait un peu marrer. "Parce que c’est un camusien qui oppose la joie à l’absurde du monde !", s’enflamme Saïd Benmouffok, le coordinateur Place publique de Paris. Il faut donc imaginer Sisyphe heureux…"Chaque fois que c’est compliqué, il disparaît"Raphaël Glucksmann a un problème : l’ambition le chatouille… Mais il exècre la façon dont est pratiquée la politique aujourd’hui. Notamment cette injonction faite aux personnalités de tous bords à "commenter tout, tout le temps, tous les jours", convertis à la longue en "employés gratuits dans les chaînes d’information en continu", voire en "chamanes de Pierre Clastres", ces figures indigènes, analysées à la fin du XXe siècle par le sociologue, inaudibles pour le commun des mortels. Avis aux mauvaises langues - dont L’Express - qui le pensaient un tantinet disparu (a minima en retrait) durant ces dernières tractations matignonesques : "S’il n’y a pas de plus-value à ma parole, je ne parle pas", assène celui qui assure "refuser toutes les invitations". Un chef de parti de gauche, plus cruel : "Chaque fois que c’est compliqué, il disparaît."Le reproche lui colle à la peau ? Il avait déjà fait le coup après les dernières législatives. Après que la dissolution a balayé son score honorable aux élections européennes (la table du café en prend un sacré coup quand il se remémore la scène), et après avoir soutenu dans la douleur le Nouveau Front populaire - rompant avec Olivier Faure, patron du PS - il avait disparu de la scène publique, parti passer quelques jours en Corse, puis profiter à pleins tubes des Jeux olympiques au Club France. Jusqu’à sa réapparition, fin août, distribuant quelques taquets à bâbord dans une interview au Point - l’initiative avait fait jaser à gauche. En privé quand il refait l’histoire, il s’estime pris dans la contradiction de sa propre doctrine. "Cet été, j’ai essayé de ne pas faire de tweet pendant deux mois. Les gens me disaient “t'as pas réagi à ça, tu t’en fous ?” J’ai alors saisi le cercle vicieux."Qu’à cela ne tienne. A Noël, après avoir déploré qu’Emmanuel Macron ait ignoré la gauche et plaidé pour un accord de non-censure, il est parti se ressourcer une semaine dans le sud de la France. Le fan de l’AS Roma a pas mal joué au foot avec ses enfants, coupé X et lu quelques bouquins, dont Les Ingénieurs du chaos, le remuant best-seller de Giuliano da Empoli, qui trônait sur sa pile de livres. Sans doute